Trouble développemental du langage et dyslexie : des difficultés communes?

26/05/2021 13:00:00

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Le trouble développemental du langage (TDL) et la dyslexie sont-ils différents? Est-ce que le fait de présenter un TDL prédispose à être dyslexique? Est-ce que les difficultés en lecture des enfants présentant l’un ou l’autre de ces troubles peuvent être traitées de la même façon? Nous répondons à ces questions et bien d’autres dans ce billet.

Qu’est-ce que le trouble développemental du langage et la dyslexie?

Le trouble développemental du langage (TDL) est un trouble présent à la naissance qui se manifeste par des difficultés importantes sur le plan du langage oral et de la communication (difficultés à comprendre et/ou à s’exprimer) (Bishop et al., 2017). La dyslexie, elle, affecte spécifiquement les habiletés d’identification de mots écrits. Un jeune qui présente ce trouble a notamment plus de difficultés que ses pairs à mettre en relation les graphèmes et les phonèmes (sons de la langue) lors de l’apprentissage de la lecture (Snowling, Hulme et Nation, 2020). Ces troubles sont distincts, mais un enfant peut parfois présenter les deux. 

Quels sont les impacts respectifs de ces troubles sur les habiletés en compréhension de textes?

Selon le modèle théorique The Simple View of Reading, la compréhension d’un texte est le produit du décodage et de la compréhension du langage (Hoover et Gough, 1990; Gough et Tunmer, 1986). Les habiletés langagières impliquées dans la compréhension de textes sont entre autres: le vocabulaire, la syntaxe (les structures de phrases), la réalisation d’inférences, le bagage de connaissances générales, les habiletés discursives et la pragmatique (Scarborough, 2001). En d’autres mots, une fois que le texte est décodé, la tâche n’est pas terminée, car l’élève doit comprendre le message derrière. Ainsi, des difficultés dans le décodage ou la compréhension du langage peuvent engendrer des difficultés en compréhension de textes (Lervåg, Hulme et Melby-Lervåg, 2018; Snowling, Hayiou-Thomas, Nash et Hulme, 2020).

Chez un jeune dyslexique, comme le décodage est plus ardu, cela peut entrainer une surcharge cognitive lors de la lecture. Les ressources cognitives pouvant être consacrées à la compréhension du message deviennent alors plus limitées (Lervåg et al., 2018). Les difficultés en compréhension de textes de certains jeunes peuvent également s’expliquer par un nombre élevé de mots qui ne sont pas identifiés précisément. Par exemple, si un jeune substitue plusieurs mots pour d’autres sans le réaliser (ex.: lire le mot chien au lieu du mot Chine), les phrases lues ne seront pas les mêmes que celles qui sont écrites. Toutefois, il est à noter que les difficultés en décodage n’entrainent pas systématiquement des difficultés de compréhension de textes. Également, dans tous les cas, des interventions visant l’amélioration des habiletés en décodage permettent à l’enfant de déployer davantage d’énergie à comprendre le contenu et l’organisation du texte (Castles, Rastle et Nation, 2018). 

Chez un jeune qui présente un trouble développemental du langage (TDL), c’est l’aspect langagier des textes qui entraine des difficultés. Sachant que la complexité langagière des textes augmente au fil du parcours scolaire, cela peut être particulièrement problématique pour les jeunes ayant un TDL. Le langage utilisé dans les textes est beaucoup plus complexe que celui employé dans les conversations quotidiennes. À l’écrit, les mots sont moins fréquents et plus abstraits, et les phrases sont plus longues et plus complexes (Paul et Norbury, 2012). Un jeune présentant un TDL gagne ainsi à recevoir des interventions visant le développement des habiletés langagières ciblées comme étant déficitaires chez lui. 

À quelle fréquence le TDL et la dyslexie se présentent-ils tous les deux chez un même enfant?

Selon une étude de Snowling, Hayiou-Thomas et leurs collaborateurs (2020) réalisée auprès d’élèves âgés de 8 et 9 ans, un haut pourcentage d’élèves atteignent les critères diagnostics (déterminés dans le cadre de l’étude) de la dyslexie et du TDL. Lors d’une étude longitudinale, des enfants ont été identifiés comme à risque de dyslexie ou de TDL à l’âge de 3 ½ ans. Une fois à 8 ans, ces enfants ont été évalués afin d’être classés dans différents groupes (TDL, dyslexie ou dyslexie et TDL en cooccurrence): 48 % des participants qui atteignaient les critères diagnostic du TDL atteignaient ceux de la dyslexie et 58 % de tous les participants identifiés comme dyslexiques atteignaient également les critères du TDL.  

En fait, les enfants dyslexiques rencontrent fréquemment des difficultés à traiter des informations de nature phonologique (ex.: conscience phonémique, accès au lexique phonologique et mémoire de travail verbale à court terme). Ces difficultés de traitement phonologique viennent entraver le développement de leurs habiletés en lecture. Un trouble développemental du langage peut aussi dans certains cas impliquer des difficultés importantes à traiter les informations de nature phonologique. Dans cette situation, un jeune présentant un TDL est à risque de présenter en cooccurrence une dyslexie. 

Comment soutenir le développement des habiletés en lecture chez ces élèves?

  • Enseigner explicitement des mots de vocabulaire rencontrés fréquemment dans les livres et enseigner des stratégies pour découvrir d’une façon autonome le sens de mots inconnus (ex.: identifier un petit mot dans le grand mot comme sucre dans sucrerie et utiliser des indices du texte pour déduire le sens du mot) (Nippold, 2018). Un bon niveau de vocabulaire contribue à la compréhension de textes et facilite également l’identification des mots lors de la lecture (Castles et al., 2018). Des astuces concernant l’enseignement du vocabulaire en classe sont partagées dans ces billets rédigés par Rachel Berthiaume et Stéphanie Brossard: Des astuces pour enseigner le vocabulaire et Enseigner le vocabulaire : un défi à relever!
  • Lorsque les habiletés en identification de mots sont atteintes, il est recommandé d’enseigner systématiquement les correspondances graphophonémiques, de renforcer les habiletés en décodage, de consolider les habiletés en conscience phonémique et d’offrir à l’enfant des opportunités de lecture de phrases et de textes (situation de lecture authentique) (Kilpatrick, 2015). Les capsules d’Anaïs Deleuze fournissent plus d’informations à ce sujet: Formation - Développement et automatisation du décodage - Anaïs Deleuze
  • Enseigner des stratégies de compréhension de textes peut aider l’ensemble de ces jeunes. Anaïs Deleuze traite de ce sujet plus en profondeur dans le billet suivant: Comprendre ce qu’on lit : une habileté essentielle

Il est important de garder en tête que la dyslexie et le trouble développemental du langage peuvent entrainer, dans les deux cas, des difficultés en compréhension de textes. Comme la compréhension en lecture sollicite plusieurs habiletés, il est important de comprendre la nature des difficultés afin d’intervenir plus précisément sur celles-ci. En cas d’inquiétudes concernant le développement du langage oral et/ou écrit, une évaluation de ces habiletés permet de mieux comprendre les besoins de l’élève et de mettre en place des interventions adaptées.

Références

Bishop, D. V. M., Snowling, M. J., Thompson, P. A., Greenhalgh, T. et CATALISE-2 consortium. (2017). Phase 2 of CATALISE: A multinational and multidisciplinary Delphi consensus study of problems with language development: Terminology. Journal of Child Psychology and Psychiatry, 58(10), 1068-1080. doi:10.1111/jcpp.12721

Castles, A., Rastle, K. et Nation, K. (2018). Ending the reading wars: Reading acquisition from novice to expert. Psychological Science in the Public Interest, 19(1), 5–51. https://doi.org/10.1177/1529100618772271

Gough, P.H. et Tunmer, W. (1986). Decoding, reading and reading disability. Remedial and Special Education, 7, 6-10. DOI: 10.1177/074193258600700104

Hoover, W. A. et Gough, P. B. (1990). The simple view of reading. Reading and Writing, 2(2), 127-160. doi:10.1007/bf00401799

Kilpatrick, D. A. (2015). Essentials of assessing, preventing, and overcoming reading difficulties. Hoboken, NJ: John Wiley & Sons.

Lervåg, A., Hulme, C. et Melby-Lervåg, M. (2018). Unpicking the developmental relationship between oral language skills and reading comprehension: It’s simple, but complex. Child development, 89(5), 1821–1838. https://doi.org/10.1111/cdev.12861

Nippold, M. A. (2018). The literate lexicon in adolescents: Monitoring the use and understanding of morphologically complex words. Perspectives of the ASHA Special Interest Groups, 3(1), 211-221. https://doi.org/10.1044/persp3.SIG1.211

Paul, R. et Norbury, C. F. (2012). Language disorders from infancy through adolescence. St. Louis, MO: Elsevier Health Sciences.

Scarborough, H. S. (2001). Connecting early language and literacy to later reading (dis)abilities: Evidence, theory, and practice. Dans S. Neuman et D. Dickinson (Éds), Handbook for research in early literacy. New York, NY: Guilford Press.

Snowling, M. J., Hayiou-Thomas, M. E., Nash, H. M. et Hulme, C. (2020). Dyslexia and developmental language disorder: comorbid disorders with distinct effects on reading comprehension. Journal of Child Psychology and Psychiatry, 61(6), 672–680. https://doi.org/10.1111/jcpp.13140

Snowling, M. J., Hulme, C. et Nation, K. (2020). Defining and understanding dyslexia: past, present and future. Oxford Review of Education, 46(4), 501–513. https://doi.org/10.1080/03054985.2020.1765756

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