Comment les enfants acquièrent-ils le langage? C’est une question à laquelle la recherche n’a pas encore trouvé de réponse claire. Les connaissances sur le fonctionnement du cerveau permettent toutefois de mieux comprendre les processus à l’œuvre dans l’acquisition du langage.
La théorie d’un module cérébral propre au langage
Au milieu du 20e siècle, Chomsky (1965) a émis l’idée que les humains, dès leur naissance, seraient dotés d’un module cérébral propre au langage. Ce module contiendrait des informations clés sur ce qui est permis ou non dans la construction d’une langue. Ainsi, les humains seraient en quelque sorte programmés pour apprendre à parler, un peu comme ils sont programmés pour apprendre à marcher. Or, la recherche plus récente met en doute cette théorie (p. ex., Saffran & Thiessen, 2007).
La théorie de la «boite à outils» du langage
Une explication alternative au processus d’acquisition du langage est que les humains possèdent, à la place d’un module cérébral propre au langage, des processus cognitifs généraux contribuant à l’apprentissage d’une panoplie de domaines, incluant le langage. En d’autres mots, les bébés naitraient avec une boite à outils leur permettant d’analyser, et éventuellement d’acquérir, le langage qui les entoure.
Les outils de l’apprentissage du langage
Mais quels sont ces outils qui rendent possible l’apprentissage du langage? L’attention, la mémoire et la catégorisation en sont des exemples (Ibbotson, 2020). Ainsi, un enfant doit d’abord porter attention aux mots qu’il entend (s’il est question de langage oral) afin de pouvoir les apprendre. Il doit ensuite utiliser sa mémoire pour conserver une trace des mots dans le but de les employer dans le futur. Il doit également analyser ces mots, en les catégorisant comme étant des noms ou des verbes par exemple, afin de les employer de la bonne façon.
Les processus cognitifs comme pistes d’intervention
Il faut garder en tête que le langage ne concerne pas seulement les phonèmes, les mots et les phrases; la boite à outils du langage est en fait remplie de processus cognitifs qui permettent aussi de traiter les images, les nombres, la musique, etc. Lorsqu’un enfant éprouve des difficultés langagières, il est donc pertinent de se pencher sur ces outils plus généraux pour tenter de les perfectionner. Des études ont d’ailleurs montré que l’entrainement de processus cognitifs généraux comme la mémoire peut mener à des améliorations sur le plan du langage (p. ex., Stanford et al., 2019).
Bref, même s’il n’est pas encore démontré que de tels outils sont suffisants à eux seuls pour permettre l’acquisition du langage, ils sont sans conteste sollicités dans la tâche complexe qu’est l’apprentissage d’une langue et méritent qu’on y porte attention lorsqu’il est question d’intervention.
Références
Chomsky, N. (1965). Aspects of the theory of syntax. MIT Press.
Ibbotson, P. (2020). What it takes to talk: Exploring developmental cognitive linguistics. De Gruyter Mouton. https://doi.org/10.1515/9783110647914
Saffran, J. R. et Thiessen, E. D. (2007). Domain-general learning capacities. Dans E. Hoff et M. Shatz (Éds), Blackwell Handbook of Language Development (pp. 68–86). Blackwell Publishing. https://doi.org/10.1002/9780470757833.ch4
Stanford, E., Durrleman, S. et Delage, H. (2019). The effect of working memory training on a clinical marker of French-speaking children with developmental Language disorder. American Journal of Speech-Language Pathology, 28(4), 1388-1410. https://doi.org/10.1044/2019_AJSLP-18-0238
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