Évaluer la compétence en lecture des élèves ayant un trouble du langage : quoi faire pour rendre cette tâche plus équitable?

26/04/2023 13:00:00

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En tant qu’enseignant, il n’est pas toujours facile d’évaluer la compétence à lire des élèves. Cette réalité est d’autant plus vraie lorsqu’on doit évaluer la compétence de lecteurs plus fragiles, comme celle des élèves ayant un trouble développemental du langage (TDL). Comment favoriser le développement de la compétence en lecture chez les élèves et comment donner la chance aux élèves ayant un TDL de démontrer la maitrise de cette compétence? Dans ce billet, nous formulons quelques pistes de réflexion relativement à ces questionnements.

L’évaluation de la compétence en lecture

Selon le Programme de formation de l’école québécoise (PFÉQ), l’apprentissage ne se résume pas à acquérir des connaissances ou à atteindre des objectifs, mais à développer des compétences. C’est quoi alors une compétence? Une compétence ferait référence, entre autres, à la capacité de l’apprenant à mobiliser et à utiliser efficacement un ensemble de ressources (ministère de l’Éducation du Québec [MEQ], 2006).  

Afin de rendre la tâche d’évaluation plus transparente, une multitude de manifestations sont établies à partir des normes et des critères de réussite. Quelles sont alors les manifestations de la compétence en lecture? Voici quelques manifestations importantes (ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport Québec [MELS], 2011): 

  • Comprendre les contenus d’un texte (informations explicites et implicites);
  • Justifier avec pertinence ses réactions au texte;
  • Porter un jugement critique sur le texte;
  • Recourir à des stratégies appropriées et ayant fait l’objet d’un enseignement systématique.

Comment favoriser le développement de la compétence à lire chez les élèves?

Connaitre les manifestations de la compétence en lecture est essentiel, mais cela ne suffit pas pour bien évaluer cette compétence. Face à une tâche d’évaluation à venir et soucieux d’assurer la réussite de tous leurs élèves, plusieurs enseignants se posent des questions, notamment: Ai-je suffisamment enseigné les manifestations qui seront évaluées? Comment mieux faire pour mes élèves «faibles compreneurs»? Heureusement, de nombreux travaux de recherche apportent des réponses à ces questions. En voici quelques exemples:

  • L’enseignement systématique: Il est démontré que l’enseignement systématique des procédures cognitives et métacognitives (cognitivisme) a une incidence positive sur la réussite des élèves en lecture; 
  • L’enseignement coopératif: Implémenter le travail en équipe (socioconstructivisme) permettrait aux élèves d’aller au-delà de leurs zones proximales avec le soutien des pairs et ainsi de développer de nombreuses habiletés en compréhension de texte;
  • L’enseignement par résolution de problèmes: Offrir des situations d’apprentissage par résolution de problème (constructivisme) favoriserait également le développement des compétences des élèves en lecture.

Ces données semblent guider de plus en plus les pratiques de planification et d’enseignement, mais aussi les pratiques évaluatives. Malgré tout, l’évaluation des manifestations de compétence continue à occasionner des défis importants dans les milieux scolaires, notamment avec des lecteurs plus fragiles comme ceux ayant un TDL. 

Comment donner la chance aux élèves ayant un TDL de démontrer la maitrise de leur compétence à lire?

Reconnus principalement pour leurs difficultés langagières orales, les apprenants ayant un TDL peuvent se montrer vulnérables face à une tâche d’évaluation. Le tableau ci-dessous présente quelques gestes pédagogiques à poser pour aider ces élèves à démontrer la maitrise des manifestations reliées à la compréhension en lecture:

Quoi faire? Pourquoi?
1. Permettre à l’élève de comprendre avec précision les attentes de la tâche et se fixer un objectif exact de réussite. Au-delà des difficultés de compréhension, le TDL peut occasionner un déficit d’apprentissage procédural (automatiser des étapes d’une tâche complexe). Bien comprendre les attentes et l’objectif de réussite pourrait faciliter l’activation et le choix des ressources nécessaires pour réaliser la tâche avec succès.
2. S’assurer que l’élève dispose des connaissances antérieures minimales sur le sujet traité dans le texte (p. ex. en discutant du sujet traité, en faisant une carte d’exploration pour regrouper les idées, etc.). La présence d’un TDL peut fragiliser la construction des connaissances langagières orales, des connaissances sur le monde, des connaissances sur des évènements précis, etc. L’absence de ces connaissances pourrait, entre autres, empêcher l’élève de faire des inférences lexicales (comprendre des mots inconnus) ou causales (faire des liens de cause à effet, surtout dans des textes informatifs).
3. Diriger l’élève vers un outil de gestion de la tâche ayant fait l’objet d’un entrainement suffisant (p. ex. un outil pour prendre conscience de la perte de sens, un procédurier qui permet de valider l’hypothèse initiale tout au long de la lecture, etc.). La présence de difficultés de compréhension orale, ajoutées aux nombreuses habiletés sollicitées lors de la compréhension en lecture, pourrait induire une situation de surcharge cognitive chez l’élève ayant un TDL. Cela pourrait se manifester par des réponses erronées ou incomplètes, par une démotivation et un désengagement cognitif et, enfin, un abandon de la tâche.

En conclusion, nous aimerions insister sur l’importance d’un enseignement suffisant, fréquent et hautement planifié des habiletés de compréhension en lecture auprès des élèves vulnérables, et particulièrement auprès des élèves vivant avec un TDL. Les pratiques évaluatives seront ainsi plus justes et équitables et pourront remplir leur fonction première, celle d’être au service de l’apprentissage (MEQ, 2003). De cette manière, il sera possible de véritablement guider les élèves ayant un TDL vers la réussite. 

Références

Daigle, D. et Berthiaume, R. (2021). L’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Chenelière Éducation.

Ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) (2003). Politique d’évaluation des apprentissages. Gouvernement du Québec.

Ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) (2006). Programme de formation de l’école québécoise. Enseignement préscolaire et primaire. Gouvernement du Québec.

Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport Québec (MELS) (2011). Cadre d’évaluation des apprentissages. Gouvernement du Québec.

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