Nous trouvons aujourd’hui, dans les classes ordinaires, des élèves ayant des profils scolaires et sociaux très variés: des élèves à risque, des élèves présentant des difficultés d’apprentissage ou d’adaptation, et d’autres ayant divers besoins particuliers. Ces changements dans la composition des classes découlent notamment de la réorganisation basée sur le courant de l’éducation inclusive. Ce courant veut que tous les élèves puissent être scolarisés au sein d’une même école, sans égard à leurs différences individuelles.
Bien que l’éducation inclusive soit encouragée à l’international par les différentes publications scientifiques et gouvernementales, la mise en œuvre de celle-ci n’est pas toujours vécue positivement par les enseignants. Plus particulièrement, l’inclusion des élèves présentant des difficultés comportementales (PDC) est associée à un vécu difficile, à l’épuisement professionnel et même à l’abandon de la profession (Fernet, Guay, Senécal et Austin, 2012; Gonzalez, Brown et Slate, 2008). En fait, les élèves PDC seraient le groupe qui cause le plus d’inquiétude et de stress aux enseignants.
Nous savons que de meilleures attitudes sont liées à l’utilisation de pratiques qui soutiennent l’éducation inclusive (Ajzen, 2012; Mahat, 2008). Ainsi, les attitudes qu’adoptent les enseignants quant à la place des élèves PDC en classe ordinaire seraient liées aux pratiques qui soutiennent la réussite scolaire de ces derniers. Avant de parler des attitudes favorisant l’éducation inclusive des élèves PDC, il semble important de définir ce qu’est une attitude.
Qu’entend-on par «attitude»?
De manière générale, une attitude est une prédisposition à répondre d’une certaine façon à l’égard d’un objet spécifique. L’attitude découle de croyances qui proviennent de l’environnement de l’individu. Elle peut se modifier et évoluer dans le temps. En ce sens, une modification de l’attitude s’effectue quand une personne acquiert de l’information sur l’objet de l’attitude (Eagly et Chaiken, 1993).
Certains auteurs suggèrent que l’attitude se manifeste sous trois formes, que l’on nomme les trois composantes de l’attitude (Rosenberg et Hovland, 1966). D’abord, la composante cognitive reflète les perceptions, les croyances et les connaissances entretenues à l’égard de l’objet. La composante affective, quant à elle, reflète certaines croyances pouvant générer des émotions positives ou négatives autour de l’objet. Enfin, la composante comportementale reflète la prédisposition d’une personne à agir.
Les attitudes des enseignants à l’égard de l’éducation inclusive des élèves PDC
Dans le contexte de l’éducation inclusive, l’attitude de l’enseignant correspond à sa prédisposition à inclure un élève PDC au sein de sa classe. Tel que nous le mentionnions plus haut, puisque l’environnement joue un rôle dans la construction des attitudes, il serait logique de penser que les informations et les expériences de l’enseignant en lien avec les élèves PDC teintent de façon positive ou négative ses attitudes. La figure qui suit représente des exemples selon chaque composante d’attitude.
Une attitude générale positive envers l’inclusion se traduit par l’ouverture, la tolérance, la patience, le respect, la compréhension et la prédisposition à s’adapter à l’élève tel qu’il se présente (CSÉ, 2017). L’attitude de l’enseignant est centrale, car elle influence significativement la façon dont l’inclusion s’opère (Grieve, 2009). En somme, des attitudes positives des enseignants sont associées à leur acceptation des enfants en difficulté au sein de la classe et de l’école (Hsien, 2007), et à leur désir d’adopter des comportements qui soutiennent l’inclusion (Mahat, 2008).
Cependant, la littérature scientifique pointe vers un fait: les enseignants et les futurs enseignants ont des attitudes plutôt négatives vis-à-vis des élèves PDC (Scanlon et Barnes-Holmes, 2013). En effet, une étude portant sur les attitudes et les comportements des enseignants à l’égard des élèves PDC montre que l’expérience des enseignants avec ces élèves prédit négativement leurs émotions ainsi que leur volonté à travailler avec eux. Il semble donc que plus les enseignants ont de l’expérience avec ces élèves, moins ils sont enclins à travailler avec eux (MacFarlane et Woolfson, 2013). Selon une autre étude, les enseignants estiment que l’inclusion des élèves PDC est nuisible à l’éducation du reste de la classe, et il leur semble injuste d’accommoder la minorité au détriment de la majorité (Grieve, 2009). Les enseignants se disent d’ailleurs inquiets que l’inclusion des élèves PDC ralentisse significativement le rythme d’apprentissage des autres élèves (Boutin, Bessette et Dridi, 2015).
Quelques pistes de réflexion
Ces constats nous amènent à soulever quelques pistes de réflexion quant aux actions à mettre en place pour soutenir les enseignants. D’abord, puisque les élèves PDC suscitent des attitudes plus négatives et entrainent parfois un certain malaise (Mukamurera et Balleux, 2013), il est pertinent de se questionner sur l’aide offerte aux enseignants qui ont à leur charge ce type d’élèves. Compte tenu de ce qui précède, il semble clair qu’un accompagnement adéquat incluant un suivi autant pour l’enseignant que pour les élèves PDC pourrait être bénéfique pour les deux parties.
Ensuite, il importe de souligner que la formation théorique pourrait également aider les enseignants dans l’inclusion des élèves PDC. En effet, les conclusions de plusieurs recherches montrent que les attitudes favorisant l’inclusion sont associées à l’acquisition de connaissances sur le sujet (Martins Pinto, 2015; Subban et Mahlo, 2017). Même le fait de suivre un seul cours sur l’éducation inclusive peut faire une différence (Taylor et Ringlaben, 2012). De plus, les formations qui offrent des expériences d’inclusion et qui soutiennent le développement du sentiment de compétence de l’enseignant sont à privilégier dans le cas des élèves PDC. En d’autres termes, plus les enseignants acquièrent des connaissances sur les élèves PDC en même temps qu’ils vivent des expériences qui leur permettent de croire en leurs capacités d’inclure ces élèves, plus ils sont susceptibles d’adopter des attitudes positives envers eux et de bonifier leurs pratiques en conséquence.
En conclusion
Dans la foulée du courant de l’éducation inclusive, les classes ordinaires accueillent aujourd’hui une diversité d’apprenants. De ce nombre, les élèves PDC sont ceux qui semblent être les plus problématiques pour le personnel scolaire. Pour favoriser l’inclusion de ces élèves et pour soutenir les enseignants dans cette démarche, il faut s’attarder aux attitudes de ces derniers. Ainsi, il importe d’offrir une aide adéquate aux enseignants et une formation théorique leur permettant de solidifier leur pratique et d’offrir un environnement inclusif non seulement aux élèves PDC, mais aussi à tous les élèves.
Références
Ajzen, I. (2012). The theory of planned behavior. Dans P. A. M. Van Lange, A.W. Kruglanski et E. Tory Higgins (dir.), Handbook of theories of social psychology (Vol.1) (p. 438-459). Thousand Oaks, CA: Sage Publications Ltd.
Boutin, G., Bessette, L. et Dridi, H. (2015). L’intégration scolaire telle que vécue par des enseignants dans des écoles du Québec. Université du Québec à Montréal. Consulté à l’adresse https://www.lafae.qc.ca
Conseil supérieur de l’éducation (2017). Pour une école riche de tous ses élèves. S’adapter à la diversité des élèves, de la maternelle à la 5e année du secondaire. Sainte-Foy, Québec: Conseil supérieur de l’éducation.
Eagly, A. H. et Chaiken, S. (1993). The psychology of attitudes. Orlando, FL: Harcourt Brace Jovanovich College Publishers.
Fernet, C., Guay, F., Senécal, C. et Austin, S. (2012). Predicting intraindividual changes in teacher burnout: the role of perceived school environment and motivational factors. Teaching and Teacher Education, 28(4), 514-525.
Gonzalez, L., Brown, M. S. et Slate, J. R. (2008). Teachers who left the teaching profession : a qualitative understanding. The Qualitive Report, 13(1), 1-11.
Grieve, A. M. (2009). Teachers’ beliefs about inappropriate behaviour: challenging attitudes? Journal of Research in Special Educational Needs, 9(3), 173-179.
Hsien, M. L. W. (2007). Teacher attitudes towards preparationfor inclusion – In support of a unified teacher preparation program. Postgraduate Journal of Education Research, 8(1), 49-60.
MacFarlane, K. et Woolfson, L. M. (2013). Teacher attitudes and behavior toward the inclusion of children with social, emotional and behavioral difficulties in mainstream schools: an application of the theory of planned behavior. Teaching and Teacher Education, 29, 46-52.
Mahat, M. (2008). The development of a psychometrically-sound instrument to measure teachers’ multidimensional attitudes toward inclusive education. International Journal of Special Education, 23(1), 82-92.
Martins Pinto, D. (2015). Les attitudes des étudiants de la Faculté de psychologie et sciences de l’éducation envers l’inclusion scolaire d’élèves à besoins éducatifs particuliers. (Mémoire de maitrise inédit). Université de Genève, Suisse.
Mukamurera, J. et Balleux, A. (2013). Malaise dans la profession enseignante et identité professionnelle en mutation: le cas du Québec. Recherche & formation, 74, 57-70.
Rosenberg, M. J., et Hovland, C. I. (1966). Attitude organization and change: an analysis of consistency among attitude components. Oxford, England: Yale University Press.
Scanlon, G. et Barnes-Holmes, Y. (2013). Changing attitudes: supporting teachers in effectively including students with emotional and behavioural difficulties in mainstream education. Emotional and Behavioural Difficulties, 18(4), 374-395.
Subban, P. et Mahlo, D. (2017). “My attitude, my responsibility” Investigating the attitudes and intentions of pre-service teachers toward inclusive education between teacher preparation cohorts in Melbourne and Pretoria. International Journal of Inclusive Education, 21(4), 441-461.
Taylor, R. W. et Ringlaben, R. P. (2012). Impacting pre-service teachers’ attitudes toward inclusion. Higher Education Studies, 2(3), 16-23.
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