Les enseignants se questionnent souvent sur la meilleure façon d’introduire et d’enseigner différentes notions mathématiques. Est-il préférable de présenter la notion ciblée en utilisant du matériel concret (p. ex., des blocs et des dessins) ou est-il plus avantageux de l’enseigner directement avec des représentations abstraites (p. ex., des symboles, des équations et des formules)?
Cette question est un débat de longue date chez les chercheurs scientifiques. Certains d’entre eux (Bruner, 1966; Fyfe et coll., 2014) suggèrent de joindre les deux façons. Selon leur recherche, Fyfe et ses collaborateurs recommandent «de commencer par des objets concrets pour ensuite se diriger explicitement et graduellement vers l’abstrait» (p. 9, traduction libre). Cette méthode, appelée «méthode d’effacement progressif de la concrétude» (EPC), réunit les avantages du concret et de l’abstrait. Ses bienfaits seraient plus grands que les enseignements concrets et abstraits effectués séparément (Fyfe et coll., 2014).
Qu’est-ce que la méthode d’effacement progressif de la concrétude?
L’idée est de commencer à enseigner un concept à partir d’une forme concrète et familière. Il s’agit ensuite d’éliminer graduellement les détails superflus pour en arriver à la forme abstraite en suivant trois étapes (Bruner, 1966).
Ainsi, la première étape est de présenter la forme physique et concrète. Par exemple, si l’idée est d’enseigner le concept de la soustraction à partir de l’équation 3 - 2 = 1, la forme concrète implique de montrer trois objets et d’en retirer deux. Cette étape aide à l’interprétation du concept mathématique enseigné, car elle lève les ambiguïtés des symboles. De plus, elle permet la manipulation et offre un répertoire d’images concrètes si l’élève en vient à oublier les symboles.
La deuxième étape est la forme iconique, graphique et picturale. Cette étape exige d’éliminer les caractéristiques qui ne sont pas directement liées au concept enseigné. Elle intègre une première représentation symbolique formelle dans le même contexte que l’objet introduit auparavant. On s’en sert pour faire le lien entre le concret et l’abstrait. Par exemple, à cette étape, pour enseigner le concept de la soustraction, il s’agirait de montrer une représentation picturale des objets précédemment utilisés et de la jumeler avec des symboles formels mathématiques (dans ce cas,«-» et «=»).
La troisième étape est la forme symbolique, c’est-à-dire la version abstraite. Cette étape facilite la généralisation des propriétés à d’autres contextes. Elle met l’accent sur les caractéristiques pertinentes du concept et permet le développement de représentations connexes. Pour reprendre l’exemple donné ci-dessus, il faudrait à cette étape présenter l’équation 3 - 2 = 1.
Fyfe et ses collaborateurs (2014) soulignent que la méthode offre des avantages seulement lorsque les trois étapes sont exécutées l’une à la suite de l’autre. De plus, les chercheurs précisent que la méthode doit être appliquée de façon graduelle et explicite: il est essentiel de parler des liens entre le concret et l’abstrait.
Les avantages de la méthode
La méthode EPC apporte plusieurs avantages. Parmi ceux-ci, la méthode EPC:
En conclusion
Même si la méthode EPC est recommandée et intégrée dans plusieurs programmes mathématiques internationaux, il demeure important de tenir compte de ses limites. De fait, d’autres recherches sont nécessaires pour approfondir nos connaissances sur le sujet. Par exemple, quel genre d’objets concrets est plus optimal et permet un meilleur apprentissage des concepts enseignés (Fyfe et coll., 2014)? «La phase concrète est-elle nécessaire pour les élèves ayant une bonne connaissance préalable de la matière?» (Brunner, 1966; Fyfe et coll., 2014, p. 21, traduction libre.) Quelle est la part d’efficacité qui relève de la méthode et celle qui dépend du degré de guidance de l’enseignant?
La méthode d’effacement progressif de la concrétude semble malgré tout constituer un outil d’enseignement efficace. Elle offre aux élèves la possibilité de développer leur capacité de transfert de connaissances ainsi que leur compréhension conceptuelle et relationnelle de concepts mathématiques (Fyfe et coll., 2014).
Références
Bruner, J. (1966). Toward a theory of instruction. Cambridge: Belknap Press.
Fyfe, E. R., McNeil, N. M., Son, J. Y. et Goldstone, R. L. (2014). Concreteness fading in mathematics and science instruction: a systematic review. Educational Psychology Review, 26(1), 9-25.
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