Les fractions et les nombres décimaux sont cruciaux pour le développement des habiletés mathématiques qui mènent à la réussite scolaire et, plus tard, à l’efficacité dans de nombreuses professions. Ces habiletés sont aussi essentielles au quotidien. Nous en avons en effet continuellement besoin et nous les utilisons souvent sans même nous en rendre compte.
Lortie-Forgues, Tian et Siegler (2015) ont réalisé un état des lieux de la littérature actuelle sur la compréhension et la manipulation des fractions et des nombres décimaux. Pour cela, ils ont abordé quatre points essentiels pour comprendre les connaissances que nous avons des fractions et des nombres décimaux, leur développement, et l’utilisation que nous en faisons. Le présent billet traite du développement des connaissances et des habiletés relatives aux fractions et aux nombres décimaux ainsi que des difficultés inhérentes qui leur sont associées. Le prochain billet traitera des variations culturelles dans l’apprentissage des fractions et des nombres décimaux, et de certaines interventions possibles pour favoriser cet apprentissage.
Le développement des connaissances et des habiletés relatives aux fractions
Lortie-Forgues et ses collègues (2015) nous rappellent d’abord que le système scolaire américain recommande que l’apprentissage des fractions se fasse graduellement en 4e, 5e et 6e années (ce qui correspond aux 4e, 5e et 6e années de primaire au Québec), d’abord avec l’addition et la soustraction de fractions ayant des dénominateurs communs, suivi de la multiplication et de la division de ces fractions. Ils proposent aussi que le lien avec la résolution de problèmes impliquant un rapport, une proportion ou un taux, par exemple, soit enseigné en 7e et 8e années (correspondant aux 1re et 2e secondaire au Québec). En comparaison, au Québec, si la majeure partie des attentes concernant les connaissances et l'utilisation des fractions se situe en 5e année du primaire selon le Programme de formation de l’école québécoise, les apprentissages commencent dès la 1ere année du primaire selon la Progression des apprentissages (par exemple, reconnaître des fractions se rapportant à des éléments du quotidien).
Quelques études se sont attardées au développement des connaissances et des habiletés procédurales avec les fractions, au-delà des attentes des programmes scolaires. Dans la récente étude de Siegler et Pike (2013), notamment, des enfants américains de la 6e année à la 8e année (6e année du primaire à 2e secondaire au Québec) ont eu à résoudre des opérations avec des fractions. Les résultats montrent que les jeunes de 6e année réussissent 41 % des opérations alors que les élèves de 8e année en réussissent 57 %. Globalement, les enfants sont meilleurs dans les additions et les soustractions que dans les multiplications et que les divisions. En addition et en soustraction, ils sont meilleurs quand le dénominateur est commun entre les deux fractions. En multiplication, étonnamment, ils sont aussi meilleurs quand le dénominateur est commun entre les deux fractions. De manière générale, les erreurs sont principalement liées à la généralisation des règles valables pour les nombres entiers que les enfants appliquent aux fractions, telles qu’ajouter les numérateurs et les dénominateurs. D’autres erreurs sont souvent liées à la généralisation des règles d’une autre opération arithmétique sur les fractions, comme conserver le dénominateur commun en multiplication (règle en addition et en soustraction) alors qu’il doit aussi être multiplié.
Le développement des connaissances et des habiletés relatives aux nombres décimaux
En ce qui concerne l’enseignement des nombres décimaux dans le système scolaire américain, il doit commencer en 5e année avec les quatre opérations et des nombres à deux chiffres après la virgule. L’apprentissage se poursuit en 6e année, où sont introduits des nombres à plus de deux chiffres après la virgule, puis en 7e année (1re secondaire au Québec), avec l’enseignement de la résolution de problèmes impliquant des transcodages entre des fractions et des nombres décimaux.
Dans l’étude de Hiebert et Wearne (1985), des enfants de la 5e à la 9e année (5e année du primaire à 3e secondaire au Québec) ont eu à résoudre des opérations comportant des nombres décimaux. Les élèves de 5e année ont réussi 20 % des additions, 21 % des soustractions et 30 % des multiplications, alors que ceux en 9e année ont réussi 80 % des additions, 82 % des soustractions et 75 % des multiplications. Les jeunes sont généralement meilleurs pour résoudre les additions et les soustractions quand les deux opérandes ont le même nombre de décimales. Ils sont aussi meilleurs pour multiplier un entier et un nombre décimal que deux nombres décimaux entre eux.
Les difficultés inhérentes aux fractions et aux nombres décimaux
Lortie-Forgues et ses collaborateurs (2015) ont identifié sept sources de difficultés inhérentes aux fractions et aux nombres décimaux expliquant de faibles performances :
Toutes les difficultés inhérentes aux fractions et aux nombres décimaux présentées ci-dessus permettent de comprendre les nombreux problèmes que les enfants rencontrent lorsqu’ils découvrent ces nombres et ceux auxquels les enseignants font face lors de leur enseignement.
Références
Hiebert, J., & Wearne, D. (1985). A model of students' decimal computation procedures. Cognition and Instruction, 2(3 & 4), 175-205.
Lortie-Forgues, H., Tian, J., & Siegler, R. S. (2015). Why is learning fraction and decimal arithmetic so difficult? Developmental Review, 38, 201-221.
Siegler, R. S., & Pyke, A. A. (2013). Developmental and Individual Differences in Understanding of Fractions. Developmental Psychology, 49, 1994-2004.