Les inférences en lecture (troisième partie)

05/10/2016 11:39:10

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Nous avons abordé la semaine dernière des stratégies utiles pour aider les élèves à développer leurs habiletés à faire des inférences en lecture. Nous vous en présentons d’autres cette semaine.

Utiliser l’imagerie mentale

Selon Giasson (2011), stimuler l’imagerie mentale est un autre moyen d’améliorer l’habileté à effectuer des inférences en lecture. Une fois que l’intervenant a repéré et souligné avec le lecteur les mots ou les groupes de mots du texte pouvant servir d’indices pour effectuer une inférence, il peut lui expliquer comment lui-même procède pour se construire une image mentale et la modifier au fur et à mesure qu’il lit les mots ciblés dans le texte. Prenons par exemple le court texte suivant :

Question : Où se dirige Maya?

Essoufflée, Maya marche avec son sac à dos. Elle avance seule, sa boussole à la main, et se demande si la vue sera belle au sommet.

Après avoir lu la première phrase et vu les mots indices, l’intervenant pourrait dire à l’élève :

« Pourquoi la fille peut-elle être essoufflée et marcher avec un sac à dos? Moi, je porte un sac à dos lorsque je marche pour aller à l’école et je suis essoufflée lorsque je marche vite. Peut-être que la fille marche vite parce qu’elle est en retard pour l’école? Je vois donc dans ma tête une fille qui marche avec son sac à dos et qui se dirige rapidement vers son école. »

Puis, en lisant la deuxième phrase et en repérant de nouveaux indices, l’intervenant pourrait ajouter :

« Je sais maintenant que la fille tient une boussole. Je sais qu’une boussole sert à trouver son chemin dans un grand espace où il n’y a pas d’indications pour s’orienter, comme dans la forêt. Est-ce qu’on apporte une boussole pour aller à l’école? Non, puisque sur le chemin de l’école, il y a des indications et que, de toute façon, on connait bien le chemin pour s’y rendre. Alors, je ne crois plus que la fille marche pour aller à l’école. Je dois donc changer ce que je vois dans ma tête. Je vois maintenant une fille qui marche avec son sac à dos et sa boussole dans la forêt. (…) »

Toutefois, même si l’intervenant explique la façon dont il construit et modifie les images dans sa tête, il demeure difficile pour certains lecteurs de se créer des images mentales. On peut alors recourir aux mimes, aux manipulations concrètes ou aux dessins pour fournir un support supplémentaire. Ainsi, en plus de verbaliser à voix haute les images qu’il voit dans sa tête, l’intervenant peut mimer la situation au lecteur. Dans l’exemple ci-dessus, lorsque l’intervenant lit que la fille se demande si la vue sera belle au sommet, il pourrait à ce moment porter sa main à son front, en levant la tête, pour faire semblant qu’il regarde de loin un sommet. L’intervenant peut aussi demander à l’élève d’effectuer des manipulations concrètes. L’étude de Glenberg, Brown et Levin (2007, cités dans Giasson, 2011) a démontré que le fait de manipuler des objets pendant la lecture d’un texte peut aider le lecteur à effectuer des inférences. Pour ce faire, l’intervenant doit mettre à la disposition du lecteur des figurines représentant les personnages et certains objets importants de l’histoire. Puis, il marque d’un symbole la fin de certaines phrases ou de certains groupes de phrases du texte. Lorsque le lecteur lit le texte, ce symbole lui indique qu’il doit arrêter sa lecture et manipuler les figurines pour effectuer les actions qui sont décrites dans le passage lu. Enfin, Giasson (2011) propose que l’intervenant dessine les passages qui peuvent créer de la confusion chez les lecteurs. Il est en effet connu que les élèves réussissent mieux à effectuer des inférences lorsque le texte est accompagné d’illustrations. Par exemple, dans le cas où l’histoire se déroule en plusieurs lieux, l’intervenant peut esquisser une carte pour montrer où se situent les personnages par rapport à l’action qui est décrite. Tous ces moyens aident le lecteur à construire des images mentales qui s’enchainent et qui se modifient au fur et à mesure que de nouveaux indices sont trouvés dans le texte, plutôt que de simples images isolées qui ne permettent pas d’effectuer d’inférences.

Tenir compte des capacités limitées de la mémoire de travail

Par ailleurs, rappelons-nous que la mémoire de travail joue également un rôle important dans l’habileté à effectuer des inférences en lecture. Mais un entrainement de la mémoire de travail peut-il avoir un impact réel sur la capacité à effectuer des inférences en lecture? Swanson (2000, cité dans Stanké, 2006) a montré qu’un entrainement spécifique de la capacité de la mémoire de travail améliore la réaction aux stimulus entrainés, mais ne se généralise pas à d’autres. Ce constat renforce donc l’idée exprimée dans un précédent billet rédigé par Simon Tobin (La mémoire de travail ne s’entraine pas… ou très peu). Devant ces données scientifiques, il serait donc préférable non pas d’envisager d’entrainer la mémoire de travail, mais plutôt de considérer que certains types de textes demandent davantage de ressources cognitives et qu’il suffit d’en diminuer la charge. Par exemple, pour certains enfants, cela peut signifier de diminuer la longueur des textes et de ne sélectionner que ceux dont la structure est simple et le contenu familier (Stanké, 2006).

En conclusion

Plusieurs études démontrent qu’il est possible d’améliorer l’habileté à générer des inférences en lecture. Afin d’atteindre cet objectif, l’intervenant doit bien comprendre le processus d’inférence et doit être en mesure d’identifier chez le lecteur la source des difficultés à effectuer des inférences afin que son intervention soit efficace. Même si on accorde beaucoup d’importance à l’identification des mots au 1er cycle du primaire, cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas commencer tôt à enseigner l’habileté à faire des inférences. Selon Giasson (2011) ainsi que Green et Roth (2013), l’exposition fréquente aux questions dont les réponses sont implicites est un facteur qui favorise grandement l’habileté à effectuer des inférences. Enfin, il faut se souvenir que l’enseignement de la compréhension en lecture ne se résume pas au fait de remettre un texte et des questions aux enfants, mais qu’il englobe un ensemble de stratégies qui doivent faire l’objet d’un enseignement explicite.

Du matériel pour travailler l’habileté à effectuer des inférences en lecture

Le matériel Au-delà des mots s’appuie sur des données probantes pour entrainer les habiletés à effectuer des inférences en lecture, en passant d’une pratique guidée à une pratique autonome. Il propose une démarche en trois étapes à travers lesquelles les lecteurs sont amenés à distinguer les questions dont les réponses sont explicites de celles dont les réponses sont implicites et à relever les mots ou les groupes de mots du texte qui servent d’indices pour effectuer une inférence. Le matériel permet également de travailler l’imagerie mentale, le rappel des connaissances antérieures et la capacité à formuler et à vérifier des hypothèses.

Références

Giasson, J. (2011). La lecture. Apprentissage et difficultés. Montréal : Gaétan Morin Éditeur.

Green, L. B., & Roth, K. L. (2013). Increasing Inferential Reading Comprehension Skills: A Single Case Treatment Study. Canadian Journal of Speech-Language Pathology and Audiology, 37(3), 228-239.

Stanké, B. (2006). La compréhension de textes. Rééducation orthophonique, 227, 45-54.

Crédit photo: stockbroker / 123RF Banque d'images

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