Les habiletés phonologiques et l’apprentissage de la lecture

06/01/2016 10:41:42

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La plupart des scientifiques, des enseignants, des orthopédagogues et des orthophonistes considèrent que les habiletés phonologiques, c’est-à-dire les habiletés à identifier et distinguer les sons, sont essentielles à l’apprentissage de la lecture. Cependant, au-delà de ce consensus, les points de vue divergent, car les habiletés phonologiques constituent une entité très large.

Certains scientifiques croient que les habiletés phonologiques explicites, comme la conscience phonologique, sont davantage liées à l’apprentissage de la lecture de mots que les habiletés implicites, comme la mémoire verbale à court terme, qui est responsable de traiter les phonèmes. Les habiletés explicites sous-tendent une réflexion consciente sur les sons du langage, mais pas les habiletés implicites.

D’autres scientifiques affirment qu’il est possible de considérer la conscience phonologique comme un tout, alors que d’autres encore avancent qu’il faut analyser le lien entre chacune de ses composantes et l’apprentissage de la lecture. Les composantes de la conscience phonologique sont, en ordre chronologique de développement, la conscience syllabique, la conscience de la rime et la conscience phonémique.

L’enfant qui a une bonne conscience syllabique peut, par exemple, reconnaitre une syllabe dans un mot ou en segmenter un en syllabes. L’enfant qui a une bonne conscience de la rime peut notamment dire si des mots riment ou évoquer des mots qui riment. Enfin, l’enfant qui a une bonne conscience phonémique peut, entre autres, identifier des phonèmes dans différentes positions de mot, et fusionner ou segmenter les phonèmes d’un mot.

 

Qui dit vrai?

Alors, qui dit vrai? Répondre à cette question, c’est pouvoir cibler les habiletés phonologiques qui sont les plus liées à la lecture et ajuster sa stimulation ou son enseignement en fonction de cela. C’est aussi pouvoir mieux aider les enfants qui présentent des difficultés dans l’apprentissage de la lecture. La bonne nouvelle : des chercheurs se sont justement penchés sur ces différents points de vue pour tenter d’y voir plus clair.

Melby-Lervåg, Lyster et Hulme (2012) ont réalisé une méta-analyse sur la base de 235 études portant sur des enfants dyslexiques et des enfants au développement typique. Ils ont mesuré le lien entre l’apprentissage de la lecture de mots et les trois habiletés phonologiques les plus communément évaluées, soit la conscience phonémique, la conscience de la rime et la mémoire verbale à court terme.

 

La conscience phonémique: l’habileté la plus liée à l’apprentissage de la lecture de mots

Il ressort de la méta-analyse que le lien entre la conscience phonémique et la lecture de mots est le plus important, autant chez les enfants typiques que chez les enfants dyslexiques. Par exemple, les enfants présentant une dyslexie ont des difficultés importantes en lecture de mots et en conscience phonémique. Le lien entre la lecture de mots et, d’une part, la conscience de la rime et, d’autre part, la mémoire verbale à court terme est moins important et semble en fait s’expliquer par la relation entre ces deux habiletés et la conscience phonémique.

Faut-il en conclure que cibler spécifiquement la conscience phonémique pour aider les enfants à apprendre à lire constitue la meilleure pratique? Les auteurs de l’étude sont prudents: leur méta-analyse ne permet pas de conclure qu’une bonne conscience phonémique est la cause des bonnes habiletés en lecture, car les études sur lesquelles ils s’appuient sont toutes corrélationnelles. En d’autres mots, les études mettent en évidence un lien entre deux variables, mais elles ne permettent pas d’expliquer la nature de ce lien. Les auteurs mentionnent malgré tout que plusieurs études expérimentales ont montré l’efficacité de l’entrainement des habiletés de conscience phonémique sur le développement des habiletés en lecture de mots. Bref, il semble logique de conclure que l’entrainement de la conscience phonémique est une pratique à encourager pour favoriser l’apprentissage de la lecture.

 

Et dans la pratique?

Maintenant, que faire de ces conclusions dans la pratique? Trois « astuces » paraissent se dégager:

  • Comme la conscience syllabique apparait en premier et la conscience de la rime ensuite, il demeure pertinent de stimuler le développement de ces composantes. Toutefois, lorsque l’enfant en est au stade de la conscience phonémique, il ne semble pas avantageux de continuer à travailler la conscience de la rime, puisque celle-ci est moins liée à la lecture de mots.
  • Lorsque l’enfant est au stade de la conscience phonémique, il semble plus judicieux de stimuler celle-ci que toute autre habileté phonologique.
  • Chez l’enfant dyslexique, développer la conscience phonémique est un objectif qui apparait pertinent.

Et vous, remarquez-vous un lien entre la conscience phonémique des enfants et leurs habiletés en lecture de mots? Travaillez-vous souvent la conscience phonémique?

 

Référence

Melby-Lervåg, M., Lyster, S. A., & Hulme, C. (2012). Phonological skills and their role in learning to read: a meta-analytic review. Psychological Bulletin, 138(2), 322-352.

Crédit photo: Shutterstock

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