La résolution de problèmes est une activité prépondérante dans les programmes scolaires de mathématiques. Il existe une fausse croyance voulant que ces problèmes concernent uniquement l’école! Pourtant, la vie quotidienne est remplie de situations-problèmes à résoudre. Les activités liées aux achats et à la manipulation de l’argent en sont de bons exemples. On observe néanmoins que les enfants ont souvent de la difficulté dans ce type de situation. Qu’est-ce qui explique, au juste, cette difficulté?
Daroczy, Wolska, Meurers, & Nuerk (2015) ont tout récemment publié à ce sujet une revue systématique de la littérature dont l’objectif est d’étudier les aspects mathématiques, linguistiques et généraux impliqués dans la résolution de problèmes mathématiques. Les auteurs ont alors identifié des difficultés inhérentes aux problèmes et des difficultés inhérentes à chaque individu.
D’emblée, d’aucuns pensent qu’un individu X peut être meilleur qu’un individu Y pour résoudre des problèmes, lire, faire du vélo ou accomplir toute autre activité… Cette réalité s’applique à la résolution de problèmes, et elle s’explique. Daroczy et al. (2015) ont en effet établi des facteurs inhérents à chaque individu, tels que les capacités générales (p. ex. le quotient intellectuel) et les capacités spécifiques (p. ex. les habiletés de lecture, les habiletés arithmétiques, les habiletés de mémoire, la motivation).
Par ailleurs, les auteurs ont également déterminé des facteurs inhérents à la nature même des problèmes. Prenons les deux problèmes mathématiques suivants pour exemple:
Vous conviendrez qu’il s’agit du même univers social, des mêmes nombres et des mêmes opérations arithmétiques. En effet, les deux se résolvent par l’opération arithmétique 8 + 5. Pourtant, le premier est bien plus facile et rapide à résoudre que le second. Pourquoi? Cela s’explique par l’histoire elle-même et la représentation mentale que l’enfant peut s’en faire. Le premier (Jade gagne des billes) est un problème additif de type transformation (c’est-à-dire qu’une collection initiale I est transformée en une collection finale F par une transformation T, soit I + F = T). Le second (le nombre de billes de Jade est comparé au nombre de billes de Flavie) est un problème additif de type comparaison (c’est-à-dire qu’une collection dont la valeur est inférieure VInf est comparée à une collection dont la valeur est supérieure VSup par la comparaison C, soit VInf + C = VSup).
Les auteurs rappellent qu’il existe plusieurs types de problèmes de types additif et multiplicatif (Riley, Greeno, & Heller, 1983; Vergnaud, 1983). La difficulté n’est pas la même d’un problème à un autre. D’autres éléments peuvent rendre un problème difficile: par exemple, l’utilisation de petits ou grands nombres, la présence d’informations ou de nombres inutiles à la résolution, la nécessité de réaliser plusieurs étapes, la modalité de réponse exigée, la notation et le modèle de solution utilisés par les enseignants, ou encore la présence d’illustrations autour des problèmes.
Les auteurs ont aussi relevé des facteurs de complexité linguistique. Il est vrai qu’un problème mathématique à résoudre est avant tout un énoncé à lire ou entendre, puis à comprendre. Le vocabulaire utilisé et la structure syntaxique des phrases sont ainsi deux facteurs importants. En effet, la présence de mots non familiers, de mots qui ont plusieurs sens, de phrases complexes, de phrases passives ou de mots connecteurs, par exemple, influence la résolution d’un problème mathématique. De plus, l’organisation du discours a également son importance. Par exemple, les enfants sont meilleurs quand il y a concordance entre l’ordre des informations dans le texte et l’ordre chronologique du problème; de même, les enfants sont meilleurs quand la question est donnée en début plutôt qu’en fin d’énoncé.
Enfin, l’interrelation entre les facteurs linguistiques et les facteurs numériques est une difficulté majeure dans la résolution de problèmes mathématiques. Des erreurs sont ainsi fréquemment remarquées chez les jeunes et moins jeunes enfants qui ont tendance à associer directement, mais parfois à tort, une opération d’addition lorsqu’ils lisent ou entendent «plus que» ou de soustraction lorsqu’ils lisent ou entendent «moins que». Ils se retrouvent alors souvent bien plus embêtés encore par l’expression «n fois moins que»! Une autre étude, celle de Reusser (1988, citée dans Daroczy et al., 2015), montre par ailleurs que 76 élèves sur 97 de première et deuxième année de primaire résolvent le problème «il y a 26 moutons et 10 chèvres. Quel est l’âge du capitaine?» en utilisant tout simplement les données numériques du problème (ils répondent donc 36 ans)… Selon les auteurs, tous les problèmes mathématiques semblent solubles pour les jeunes enfants, si bien que ceux-ci ont tendance à chercher une réponse par tous les moyens, quitte à poser une opération qui n’est pas appropriée à la situation-problème.
En somme, l’étude de Daroczy et al. (2015) permet de pointer l’ensemble des facteurs de complexité d’un problème mathématique. Certains problèmes sont très faciles et se résolvent très tôt dès la maternelle; d’autres sont difficiles et continuent de poser difficulté même à des adultes. Comprendre ces facteurs, c’est mieux comprendre pourquoi Mathis, Julie, Salim ou Kim ont bien de la misère avec cette activité. C’est aussi pouvoir adapter les problèmes proposés pour mieux aider les élèves dans leurs apprentissages mathématiques.
Références
Daroczy, G., Wolska, M., Meurers, W. D., & Nuerk, H.-C. (2015). Word problems: a review of linguistic and numerical factors contributing to their difficulty. Frontiers in Psychology, 06(avril), 1–13. doi: 10.3389/fpsyg.2015.00348
Riley, M. S., Greeno, J. G., & Heller, J. J. (1983). Development of children’s problem solving ability in arithmetic. Dans H. P. Ginsburg (Éd.), The development of mathematical thinking (chap. 4). New York: Academic Press.
Vergnaud, G. (1983). Multiplicative structure. Dans R. Lesh & M. Landau (Éds), Acquisition of mathematic concepts and processes (pp. 127-174). New York: Academic Press.
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