Communiquer oralement fait partie des compétences évaluées en français langue d’enseignement dans le Programme de formation de l’école québécoise (MÉLS, 2006). Pour développer cette compétence, les élèves doivent apprendre à « utiliser des connaissances et des stratégies relativement à la prise de parole et à l’écoute au cours d’interactions nombreuses et diversifiées » (MÉLS, 2011, p. 83). La communication orale agit comme compétence non disciplinaire et est utile dans une perspective intra et extra scolaire.
Actuellement, au Québec, enseigner l’oral repose essentiellement sur des pratiques spontanées (De Grandpré, 2016; Nolin, 2013). Par ailleurs, les recherches menées sur la didactique de l’oral portent essentiellement sur la production orale. Or la compréhension orale mérite toute notre attention, car elle est essentielle dans les classes; elle sert aux apprentissages transdisciplinaires. De plus, cette compréhension contribue à une saine transition des élèves du primaire vers le secondaire puisque cette dernière leur fait vivre des changements importants (entre autres, Chouinard, Bowen, Fallu, Lefrançois, & Poirier, 2012; Thévenaz-Christen, 2014).
On considère souvent que la compréhension orale va de soi chez les élèves qui ne sont pas en difficulté. Pourtant, on constate qu’une connaissance claire au sujet de la compréhension orale et des stratégies associées aurait une incidence positive sur les réflexions menées par les élèves au sujet de ces stratégies et peut-être aussi sur leur réussite de tâches qui mobilisent leur compréhension orale.
Accéder à la compréhension orale des élèves : l’apport de l’oral réflexif
Les enseignants peuvent avoir accès aux processus de compréhension orale de leurs élèves en les accompagnant, peu importe leur profil scolaire, dans le développement et la verbalisation de leur utilisation de diverses stratégies métacognitives de compréhension orale. Cet étayage est d’ailleurs recommandé dans les documents ministériels (MÉLS, 2006, 2011), mais aussi dans les recherches qui préconisent l’expression des élèves (Gauthier, Bissonnette, & Richard, 2013; Rabatel, 2004). Pour ce faire, on suggère la mise en place de situations dans lesquelles l’oral dit réflexif est mis de l’avant.
L’oral réflexif (entre autres, Chabanne, & Bucheton, 2002; Rabatel, 2004) est un type d’oral dans lequel les élèves sont encouragés, par des questionnements et des discussions, à s’exprimer sur les composantes, sur les effets des différents objets de l’oral (par exemple, le regard, l’intonation, le lexique, etc.), sur la situation de communication, sur leurs connaissances et sur la mobilisation de stratégies diverses. Par exemple, les élèves pourraient nommer des effets liés à l’utilisation d’éléments prosodiques (le rythme, l’intonation, etc.), les stratégies qu’ils mobilisent pour réussir une situation de communication, etc. Ce type d’oral engendre des apprentissages qui ont lieu à l’oral et qui portent sur les objets de l’oral (Lafontaine & Hébert, 2015). Il rallie à la fois la production et la compréhension orales.
Un enseignement dans lequel serait mis de l’avant l’oral réflexif faciliterait l’évaluation de la compréhension orale des élèves, la rendant alors transparente pour les enseignants (par la production d’énoncés à ce sujet par les élèves). En outre, les élèves encouragés à s’exprimer sur la régulation de leur compréhension orale seraient à même de mettre en place des stratégies de compréhension orale pouvant leur servir lors de leur transition scolaire du primaire vers le secondaire, là où la compréhension orale doit être accrue, car elle doit être maitrisée dans toutes les disciplines, même si elle est enseignée uniquement dans la discipline du français.
Les élèves affirment souvent avoir de la difficulté à parler de leurs stratégies de compréhension orale. En ce sens, il importe qu’ils soient amenés à prendre conscience que ces dernières ne sont pas circonscrites à une seule situation scolaire. Par la modélisation, l’exemplification et le guidage des élèves à travers les tâches qui sont attendues d’eux, on peut amener les élèves à prendre davantage conscience de leurs stratégies. Cet enseignement demande du temps, mais rend les connaissances des élèves transparentes pour l’enseignant, ce qui lui permet d’avoir accès à ce qui se passe dans la tête des élèves et, par conséquent, d’ajuster son enseignement des stratégies de compréhension orale. En outre, les contextes d’interaction dans lesquels peuvent être verbalisées des stratégies métacognitives de compréhension orale aident les élèves à mieux comprendre les effets de la compréhension orale pour l’ensemble de leurs apprentissages.
En somme, l’utilisation de l’oral réflexif permet un double travail sur l’oral : d’une part, il facilite l’accès aux stratégies de compréhension orale des élèves par leur production orale d’énoncés qui y sont liés et, d’autre part, il offre un accès privilégié, tant pour l’enseignant que pour l’élève, aux processus cognitifs et métacognitifs oraux qui contribueraient à un enseignement et à une évaluation intégrés et contextualisés de la compréhension orale.
Un support à la compréhension orale : la prise de notes
L’engagement personnel des élèves dans la tâche passe par la présentation de projets d’écoute qui sont signifiants et qui revêtent un caractère authentique. En contexte scolaire, pour enseigner la compréhension orale, les enseignants peuvent mettre en place des projets d’écoute (Lafontaine, 2007). Dans ces derniers, les élèves sont amenés à prendre des notes dans un document préparé par l’enseignant. Or les élèves éprouvent souvent des difficultés liées à l’utilisation de cette stratégie qu’ils doivent maitriser à la fin du primaire (« Prendre des notes : explorer divers moyens pour retenir l’information », MÉLS, 2011). Il semble que leur offrir une grille de prises de notes avec des indications d’éléments à noter ne soit pas suffisant. Les élèves bénéficieraient d’un modelage de la part de l’enseignant afin de comprendre, par exemple, pourquoi il n’est pas utile de noter un déterminant, pourquoi il est pertinent d’utiliser des abréviations, etc. En outre, il faudrait aussi rappeler que ces notes servent à structurer l’écoute et, en fin de compte, à alimenter la compréhension orale; elles ne servent donc pas d’outils pour évaluer la qualité de la prise de notes par les élèves, mais bien à structurer des idées en vue de la réalisation d’un projet.
En conclusion
La compréhension orale gagne définitivement à prendre plus de place dans l’enseignement, tant au primaire qu’au secondaire. L’oral réflexif apporte des pistes pertinentes pour enseigner efficacement ce volet de l’oral. Autant pour la compréhension orale elle-même que pour la prise de notes qui la supporte, il est bénéfique d’expliciter le cheminement à suivre pour les élèves; ils peuvent ainsi faire de même en retour et varier leur utilisation de stratégies.
Références
Chabanne, J.-C., & Bucheton, D. (2002). Parler et débattre pour apprendre : comment caractériser un oral réflexif? Dans J.-C. Chabanne & D. Bucheton (Éds), Parler et écrire pour penser, apprendre et se construire (pp. 163–186). Paris : Presses Universitaires de France.
Chouinard, R., Bowen, F., Fallu, J.-S., Lefrançois, P., & Poirier, L. (2012). La transition au secondaire et l’incidence de mesures de soutien sur la motivation, l’adaptation psychosociale et les apprentissages des élèves. Rapport de recherche programme actions concertées. Repéré à http://www.frqsc.gouv.qc.ca/documents/11326/552404/PRS_ChouinardR_rapport_transition-secondaire.pdf/738cc30a-4d0a-4f5a-a3e4-51e5c5a1efee
De Grandpré, M. (2016). Un portrait de l’enseignement de l’oral pragmatique au préscolaire 5 ans et au 1er cycle du primaire. (Thèse de doctorat inédite). Gatineau : Université du Québec en Outaouais.
Gauthier, C., Bissonnette, S., & Richard, M. (2013). Enseignement explicite et réussite des élèves. La gestion des apprentissages. Montréal : ERPI éducation.
Lafontaine, L. (2007). Enseigner l’oral au secondaire. Séquences didactiques intégrées et outils d’évaluation. Montréal : Chenelière Éducation.
Lafontaine, L. et Hébert, M. (2015). La reformulation comme outil langagier pour justifier son opinion dans les cercles de lecture entre pairs : effets d’un enseignement de l’oral. Dans R. Bergeron, C. Dumais, B. Harvey et R. Nolin (dir.), La didactique du français oral du primaire à l’université (p. 85-108). Côte St-Luc : Peisaj.
MÉLS (ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport). (2006). Programme de formation de l’école québécoise. Enseignement primaire. Québec : Gouvernement du Québec.
MÉLS (ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport). (2011). Progression des apprentissages au primaire. Québec : Gouvernement du Québec.
Nolin, R. (2013). Pratiques déclarées d’enseignement et d’évaluation de l’oral d’enseignants du primaire au Québec. Mémoire de maitrise, Université du Québec à Montréal, Montréal.
Rabatel, A. (2004). L’oral réflexif et ses conditions d’émergence : mieux (se) comprendre pour mieux (se) parler et pour mieux (s’)apprendre. Dans A. Rabatel (Éd.), Interactions orales en contexte didactique (pp. 5-28). Lyon, France : Presses Universitaires de Lyon.
Thévenaz-Christen, T. (2014). La lecture enseignée au fil de l’école obligatoire. Namur : Presses universitaires de Namur.
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