Les enseignants sont au premier plan dans la vie des enfants; ils passent 180 jours avec eux, soit presque la moitié de l’année! Comme nous l’avons vu dans le billet intitulé «L’anxiété de performance chez les enfants», l’école est un endroit où l’enfant peut ressentir de l’anxiété de performance puisque celui-ci y est souvent placé en situations où il doit (ou sent qu’il doit) performer (p.ex., examens, dictées, résolutions de problèmes, compréhensions de textes, activités de calligraphie, activités minutées). En plus, l’anxiété de performance peut être augmentée en contexte social (p.ex., travaux d’équipe, cours d’éducation physique, spectacles de musique, lecture devant la classe, exposés oraux). Ainsi, pendant toute la journée d’école, l’enfant doit apprendre à mieux gérer l’anxiété de performance qu’il peut ressentir à différents moments et degrés.
Par ailleurs, à l’approche de l’adolescence, l’enfant devient de plus en plus conscient de son apparence et de l’impact de ses actions sur les autres, ce qui peut augmenter son anxiété de performance. Par exemple, le fait d’aborder un pair et de porter un vêtement spécifique peut engendrer de l’anxiété de performance sociale. Bref, le nombre de situations anxiogènes augmente souvent avec l’âge.
L’anxiété de performance ne peut être enrayée complètement, cela va de soi. D’ailleurs, ce n’est pas le but puisqu’elle peut être bénéfique si elle est bien gérée (voir le billet «L’anxiété de performance chez les enfants»). Toutefois, la littérature montre que certaines interventions peuvent être effectuées pour éviter que l’anxiété de performance devienne problématique. Nous aborderons ici certaines des interventions qui peuvent être réalisées à l’école avec tous les enfants. Notons que plusieurs de celles-ci peuvent également avoir pour effet de favoriser l’estime de soi, ce qui est non négligeable puisque celle-ci protège de l’adversité, donc des émotions dites «négatives» comme l’anxiété.
Les interventions qui aident les enfants à composer avec l’anxiété de performance
Pour les intervenants, il est important de dire, lorsque c’est pertinent (p.ex., lors des examens, des présentations orales), que l’anxiété de performance peut être présente à l’école chez tous les élèves (et même chez les adultes!) à différents degrés, et qu’il est normal de la ressentir. Il importe également de ne pas minimiser cette anxiété et ses effets négatifs, ainsi que les défis associés à sa gestion. L’apprentissage de l’autorégulation des émotions est celui d’une vie et la gestion de l’anxiété ne fait pas exception. Il peut également être bénéfique pour les intervenants scolaires de discuter de leurs expériences concernant des situations qui ont généré de l’anxiété de performance chez eux, et des stratégies qu’ils ont alors utilisées pour mieux gérer cette émotion.
Il est également très important de renforcer les efforts et la motivation face aux apprentissages, et non la performance comme telle. Par exemple, la valorisation d’une note ou du fait d’avoir fait peu d’erreurs (ou un certain nombre d’erreurs) lors de la dictée ou d’un examen, d’un temps record ou de la première place dans un sport, ou encore d’un talent naturel en arts, renforce la performance et non les nouveaux apprentissages qui ont été faits ou consolidés, la ténacité et la motivation ou encore les améliorations. Le fait de renforcer la performance peut faire en sorte qu’on fixe, pour certains enfants, des buts qui sont inatteignables. De plus, cette pratique peut laisser penser à l’enfant qu’il est seulement bon s’il est le meilleur ou qu’il est anormal de faire des erreurs. Le perfectionnisme est également encouragé par cette façon de faire.
Il importe de préciser que l’idée n’est pas de nier que d’autres enfants peuvent mieux réussir, mais de ne pas oublier de parler du chemin qu’ils ont parcouru pour y arriver, donc de souligner le parcours et non la performance comme telle de ces enfants, par exemple en disant: «Bravo pour ta première place, je te félicite pour les efforts que tu as déployés pour y arriver dans les dernières semaines». Ainsi, le fait de dire les notes ou encore de donner des commentaires constructifs (même si on dit qu’ils sont constructifs, il ne faut pas oublier que ce ne sont pas des commentaires positifs) à voix haute en classe à l’enfant, devant ses camarades, n’est pas une bonne pratique, car l’enfant comparera sa performance à celle des autres et non à ses performances antérieures. Aussi, la comparaison est de toute manière inévitable dans la vie, alors l’enfant aura moins d’occasions de se comparer si cette pratique est évitée, ce qui nuira probablement moins à son estime de lui-même.
Dans le même ordre d’idée, il peut être bénéfique de renforcer les bons coups, les qualités, les efforts, les améliorations, la rigueur, la ténacité ou la méthode de travail de l’enfant tous les jours ou le plus souvent possible à l’école en faisant attention à ne pas utiliser de «mais» à la suite du renforcement ou du compliment. Par exemple, dire «Bravo, tu t’es amélioré depuis le dernier travail de lecture, mais il te reste encore du chemin à faire» ou «Félicitations pour le travail que tu as accompli, maintenant il faudrait travailler ton organisation» implique des «mais». Il est préférable d’éviter tous les «mais» explicites ou implicites!
Concernant les erreurs, qui sont normales et bien humaines, le fait de les admettre en tant qu’adulte permet de diminuer, ne serait-ce qu’un peu, l’anxiété de performance chez l’enfant. L’adulte agit ainsi comme un modèle d’imperfection et d’humanité, ce qui est très apprécié et bénéfique, notamment pour l’estime de soi des enfants.
Par ailleurs, les trois stratégies qui ont été présentées dans le billet «L’anxiété de performance chez les enfants», soit la respiration diaphragmatique, la restructuration des pensées, et la diminution des comportements d’évitement ou de réassurance, peuvent aussi, jusqu’à un certain point, être appliquées en classe. Toutefois, si ces stratégies n’ont pas d’impact positif sur l’anxiété de performance, il est peut-être temps de discuter avec les parents et de référer l’enfant à un psychologue. En terminant, il est aussi pertinent de se rappeler que les élèves performants souffrent également d’anxiété de performance, même plus fréquemment que les autres; ces élèves sont donc particulièrement à surveiller.
En conclusion, les stratégies pour aider les enfants à mieux gérer leur anxiété de performance à l’école sont assez simples et peu nombreuses, mais elles peuvent faire une énorme différence lorsqu’elles sont appliquées correctement.
Références
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