Lorsque les élèves sont en situation d’apprentissage, les fonctions exécutives jouent sur bien des tableaux. Elles ont un impact notamment sur l’attention, l’autorégulation, la mémorisation, l’organisation et la résolution de problèmes. Il n’est alors pas étonnant qu’un enfant d’âge scolaire dont les fonctions exécutives sont moins efficaces se retrouve rapidement en situation d’échec. Le défi, dans ce cas, est de rééduquer les fonctions exécutives afin de repositionner l’élève dans une situation de réussite, donc dans un confort pédagogique.
Les intervenants scolaires ont le mandat de soutenir l’enfant afin qu’il trouve le chemin à emprunter pour acquérir le plus de pouvoir et de contrôle possible sur ses capacités exécutives; ils peuvent également outiller les parents en ce sens. Mais comment s’y prendre pour mener des séances de rééducation visant à amoindrir les difficultés, voire les souffrances que peuvent rencontrer ces jeunes?? Dans cet article, nous verrons des exemples illustrant des façons d’amener l’élève à maintenir son attention sur une tâche et à autoréguler son comportement.
Maintenir son attention
La capacité à être attentif à une tâche n’est pas la même d’un élève à un autre. Certains sont plus « chanceux » et naissent avec une capacité attentionnelle dite normale, ou même supérieure à celles des autres. D’autres, au contraire, ont des capacités attentionnelles fragiles ou déficitaires. Bien entendu, la mise en place de certaines conditions environnementales favorisent la capacité attentionnelle de l’élève : un environnement familial adéquat, un mode de vie sain, un milieu calme sans éléments distracteurs, etc. Par contre, dans la pratique, plusieurs élèves qui bénéficient d’un environnement favorable persistent à avoir des problèmes d’attention, vivent des échecs à répétition et finissent par perdre leur motivation.
Alors, quoi faire de plus – et de mieux! – pour solliciter et maintenir leur attention sur une tâche? Voyons une activité simple à réaliser à l’aide d’une cible (voir la figure 1). Il s’agit de proposer à l’élève une cible pour l’amener à reconnaitre concrètement ce que veut réellement dire « sois attentif » et à mieux comprendre ce que l’on attend de lui.
Figure 1. La cible
Voici comment procéder dans les situations où les élèves ont une tâche à effectuer, par exemple une tâche de lecture, mais que l’un d’eux en déroge à tout moment malgré les incitations et les rappels de l’intervenant. Celui-ci avise d’abord l’enfant qu’il utilisera une cible pour l’aider à poursuivre l’activité en cours. Lorsque l’élève est ailleurs que dans la lecture du texte, l’intervenant met un X dans la zone rouge. Il mentionne à l’élève que ce X ne constitue pas une faute, mais qu’il sert à lui faire prendre conscience de son inattention et à l’illustrer concrètement. L’élève a ainsi l’occasion de percevoir et de mesurer son niveau d’attention durant l’activité.
L’élève obtient généralement quelques X avant de prendre conscience de son inattention. Après cinq ou dix minutes, l’élève parvient souvent à se concentrer et se met au travail sans interruption. Précisément à ce moment, l’intervenant se permet d’interrompre l’élève pour lui annoncer qu’il arrive à être attentif en lui montrant la cible : « Voilà, tu y es, tu vois, tu n’as pas cessé ton travail durant les dernières minutes. Tu étais en plein dans le mille, là où il faut être pour être attentif. C’est cela être attentif! » De cette manière, l’élève prend conscience, petit à petit, de ce que signifie « être attentif », de son état à ce moment-là et de ce que l’intervenant attend de lui. Il peut aussi savourer son succès en voyant qu’il a atteint le cœur de la cible. Cette façon de faire est certainement beaucoup plus positive et plus efficace que de passer son temps à répéter à l’élève d’être attentif alors qu’il ne sait peut-être même pas ce qu’est l’attention.
Une intervention simple, mais porteuse de sens et concrète comme celle-ci est de loin plus efficace qu’une remontrance. L’élève restera probablement encore inattentif par la suite, puisque l’inattention est une condition neurologique, mais l’intervenant aura semé une graine de conscientisation sur l’attention, un élément indispensable à l’utilisation future et efficace de son attention. L’intervenant pourra ensuite reprendre cet exercice lors d’une prochaine séance, durant une autre tâche qui semble couteuse pour l’élève sur le plan de l’attention.
Autoréguler son comportement
L’autorégulation du comportement s’illustre facilement par une mise en situation qui s’applique à bien des élèves. Mattéo a 8 ans. Il dérange en classe : il fait des blagues à tous moments, ne réfléchit pas avant d’agir ou de parler, se promène en classe sans raison, ne termine pas ses travaux, etc. Il a donc des problèmes sur le plan de son attitude scolaire, entre autres. Dans son agenda, son enseignant décrit la difficile journée, la pénible semaine, puis Mattéo transporte les mauvaises nouvelles à la maison. En lisant les commentaires, ses parents s’inquiètent et tentent de comprendre, mais souvent ils se découragent. Alors, ils réprimandent Mattéo, bien que l’expérience leur permette de croire que cela ne règle rien.
Mattéo a du mal à comprendre et à répondre aux attentes malgré l’agenda, la feuille de route, les conséquences et les menaces. Il ne sait tout simplement pas comment réguler son comportement. Le cycle de la mauvaise journée en classe suivi de la mauvaise soirée à la maison est enclenché. Difficile d’en sortir. Toutefois, pour stopper cette roue qui tourne, il y a des interventions possibles.
Alors, que faire pour encourager l’autorégulation du comportement? Dans un premier temps, quand tout va mal, il faut cerner ce qui, de ce tout, est le plus irritant pour l’enseignant ou pour les parents; on doit trouver un premier objectif qui correspond à un petit pas, par exemple : Mattéo doit demeurer assis en classe durant les travaux.
Dans un second temps, l’intervenant peut questionner Mattéo sur les raisons qui le poussent à se lever lorsque ce n’est pas le moment. Toutefois, il y a de fortes chances qu’il ne sache pas quoi répondre. L’introspection et l’analyse lui échappent vu son âge, son immaturité et/ou son TDA/H. L’intervenant peut alors utiliser temporairement une approche plus cognitivocomportementale pour amener Mattéo à atteindre l’objectif souhaité. Par exemple, il lui explique la situation actuelle versus la situation qu’il attend de lui en lui donnant un moyen de l’atteindre :
À ce moment, Mattéo se voit de l’extérieur sur le dessin (voir Figure 2). Il voit ce qu’il peut faire pour que son comportement soit acceptable. Par la même occasion, le dessin constitue une trace écrite de l’échange et de l’accord entre l’intervenant et lui. Certaines personnes pourraient croire qu’une telle mesure engendre une forme d’injustice envers les autres élèves ou cautionne l’inattention. Toutefois, à choisir entre un enfant qui perturbe le groupe et un enfant qui dessine, il vaut mieux choisir la seconde situation; le carnet de dessins devient un marché acceptable puisqu’il est moins couteux pour tous.
Figure 2. Dessin d’un comportement à éviter et d’un comportement à adopter.
Ce moyen est tout à fait transférable à d’autres circonstances. Par exemple, lorsque Mattéo parle sans cesse, l’intervenant peut lui expliquer qu’il serait bien pour lui de se parler, de développer un langage intérieur. Il lui montre ainsi que le dessin dans le carnet peut être efficace pour l’amener à faire de meilleurs choix et à réfléchir avant d’agir pour éviter de fâcheux problèmes (voir Figure 3). Vers 8 ans, l’élève commence justement à prendre conscience de lui-même.
Figure 3. Développer son langage intérieur.
Comme les paroles s’envolent, mais que les écrits restent, si Mattéo adopte à nouveau un comportement indésirable, il est facile pour l’intervenant de l’inviter à consulter son carnet de dessins afin de retrouver l’image correspondant à la situation. Il n’aura pas appliqué le comportement souhaité, certes, mais il reconnaitra que la situation est la même et qu’il est en processus d’amélioration.
Bref, dessiner les comportements à éviter et ceux à adopter est simple, ludique et très concret pour l’élève. Cela permet en plus à tous les intervenants gravitant autour de l’enfant de voir les interventions posées dans le passé pour aider l’élève. La figure 4 présente d’autres comportements illustrés.
Figure 4. Exemples de dessins qui favorisent la prise de conscience chez l’enfant.
En résumé, il existe des interventions imagées efficaces pour aider l’élève à être attentif et à réguler son comportement. Celles-ci peuvent être expliquées de façon simple aux parents.
RÉFÉRENCES
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