Dans mes prochains billets, je parlerai des processus cognitifs, en particulier de la mémoire et de l’attention. En faisant différentes lectures sur le rôle de l’attention dans certaines tâches, j’ai fini par me demander : « Est-ce que les lecteurs savent vraiment ce qu’est l’attention? » Bon, on a tous une idée de ce que l’attention représente, mais peut-on aller plus loin? Alors je me lance. J’éviterai les définitions théoriques et je mettrai plutôt en évidence quelques faits sur l’attention qui peuvent être utiles à savoir, notamment pour aider des enfants qui ont moins d’attention en classe!
Qu’est-ce que l’attention?
Pour commencer, qu’est-ce que l’attention? Allez-y, répondez pour vous-même avant de poursuivre la lecture! Je suis convaincu que votre définition inclura une composante du genre « c’est le mécanisme qui nous permet de nous concentrer sur une information ou une tâche précise ». Et vous n’avez pas tort. Quand on pense à l’attention, on voit d’abord cette faculté qui détermine sur quoi on va allouer nos ressources mentales. Mais l’attention, c’est plus que ça. Un des aspects qui nous vient moins souvent en tête, et qui est primordial dans un contexte scolaire, est que l’attention est aussi le mécanisme responsable d’ignorer l’information qu’on ne veut pas traiter. Pour en faire la démonstration, voici une des tâches célèbres dans le domaine de la psychologie : la tâche de Stroop. Vous devez nommer à voix haute la couleur dans laquelle sont écrits chacun des mots suivants (et non pas chaque mot).
Avez-vous remarqué comment il est difficile d’ignorer le mot écrit? Un analphabète ou un jeune qui ne sait pas encore lire aurait beaucoup plus de facilité à réaliser cette tâche. Pour vous, la lecture est un automatisme et vous avez dû faire un effort pour ignorer les mots écrits. L’enfant en déficit d’attention est un peu dans la même situation. Il est plus difficile pour lui d’ignorer les stimuli non pertinents, donc il est plus facilement distrait.
On est plus sensible aux stimuli en périphérie
Maintenant qu’on sait que l’attention est aussi ce qui nous aide à ignorer l’information qui n’est pas pertinente, comment fait-on pour massivement bloquer ce qu’on ne veut pas traiter? Malheureusement, il n’y a pas de remèdes miracles, d'autant plus que plusieurs mécanismes sont automatiques (donc incontrôlables)… Par exemple, l’attention visuelle est configurée pour être plus sensible à des stimuli qui proviennent de la périphérie comparativement au centre du champ visuel. Pourquoi? Si un prédateur s’approche de vous, aimeriez-vous le voir pour la première fois lorsqu’il est encore loin de vous, ou lorsqu’il est tout prêt.
Réduire les distractions
Même si l’on est automatiquement distrait par des stimuli en périphérie, cela ne veut pas dire qu’on ne peut rien faire pour aider les enfants moins attentifs! On peut en effet épurer les stimuli en périphérie pour leur donner une chance. Ainsi, un enfant placé au milieu de la classe aura des éléments distrayants autant à sa droite qu’à sa gauche. Par contre, si vous l’assoyez près d’un mur, vous limiterez les distractions à un seul côté. De même, vous pouvez observer l’environnement et déterminer à quel endroit l’enfant voit le plus de choses bouger dans son champ de vision. Est-ce près de la porte? De la fenêtre? D’un coin moteur où plusieurs enfants sont constamment en mouvement? Éloigner un élève moins attentif de ces éléments pourrait l’aider (sans le mettre seul face au mur tout de même!).
Les yeux ne sont pas le reflet de l’attention
Vous demandez à l’enfant de vous regarder pour être sûr d’avoir son attention. Bon réflexe, mais ce n’est pas parce qu’il vous regarde qu’il est attentif. En effet, le focus visuel et le focus attentionnel (visuel) ne vont pas toujours de pair. Autrement dit, on ne porte pas nécessairement attention à ce sur quoi on fixe notre regard. Vous doutez? En voici une preuve : tendez les deux bras devant vous, à la hauteur du visage et à la largeur des épaules. Fixez votre main gauche (focus visuel). Sans quitter votre main gauche des yeux, faites des chiffres (de 1 à 5) avec votre main droite. Avez-vous été capable de les reconnaitre Oui, parce que votre focus attentionnel était porté sur votre main droite, même si vos yeux fixaient la gauche! Bref, si vous voulez être sûr d’avoir l’attention de votre interlocuteur, les yeux sont un bon départ, mais soyez aussi attentif aux autres signes (hochement de la tête, expression faciale, lui poser des questions, etc)!
L’attention étant limitée, on remarque peu les changements subtils
Pour terminer, je ne pense rien vous apprendre en affirmant que l’attention est une ressource limitée. Par contre, voici un exemple qui illustre ce fait à merveille!
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Cette vidéo réalisée pour sensibiliser les conducteurs britanniques met en évidence le change blindness, ou la difficulté à remarquer des changements subtils dans une scène visuelle. Allez-y, faites le test! Vous serez surpris! Vous comprendrez alors que si vous posez une nouvelle affiche ou inscrivez une note dans le coin du tableau, les élèves ne la remarqueront pas nécessairement. Prenez donc quelques secondes pour leur dire explicitement de porter leur attention sur le changement!
Références
Grondin, S. (2014). Psychologie de la perception. Québec : Presses de l’Université Laval.
Simons, D.J., & Levin, D.T. (1997). Change Blindness. Trends in Cognitive Sciences, 1(7), 261-267.
Stroop, J. R. (1935). Studies of interference in serial verbal reactions. Journal of Experimental Psychology, 18(6), 643-662.
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