Que sait-on à propos de l’enseignement de la calligraphie?

08/02/2017 10:09:54

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Le terme « calligraphie » vient du grec kalligraphia qui signifie « belle écriture ». Mais de quel aspect de l’écriture est-il question précisément lorsque ce terme est mentionné? Et quelles pratiques en lien avec la calligraphie sont recommandées? Nous répondrons à ces questions ici.

Écrire est une activité complexe qui implique plusieurs composantes. Tout d’abord, le scripteur a une intention d’écriture qui peut être reliée à un choix personnel ou à une demande extérieure, comme une tâche scolaire. Il a aussi un ou des destinataires auxquels il s’adresse. Assez fréquemment pour un jeune scripteur, il s’agit de son enseignant. L’intention et les destinataires orientent le scripteur vers des idées qui formeront le contenu de son texte. Ces idées, une fois détaillées et organisées, sont énoncées, c’est-à-dire que le scripteur choisit des phrases, des mots et des formes verbales afin de transformer les idées en paroles. Ces paroles qui constituent la base du texte sont transcrites en utilisant le code graphique, c’est-à-dire l’orthographe lexicale et grammaticale, de même que la ponctuation, et elles sont matérialisées par l’incrustation des lettres sur un support.

Lorsque l’on utilise le verbe « écrire », ce sont soit toutes ces opérations qui sont considérées simultanément, soit certaines d’entre elles. Pour l’enseignement de l’écriture, il en est de même. Parfois, cela signifie enseigner à produire un texte; d’autres fois, à savoir transcrire des paroles en respectant l’orthographe comme on le fait lors d’une dictée. Parfois aussi, enseigner à écrire signifie simplement enseigner à tracer des lettres, autrement dit à matérialiser l’écriture en incrustant les formes du code graphique sur un support. C’est de cet aspect de l’écriture dont il est question lorsque le terme « calligraphie » est utilisé.

La matérialisation peut impliquer tant l’écriture au clavier que l’écriture manuscrite. Velay et Longcamp (2012) ont montré qu’il est préférable que les jeunes scripteurs apprennent à écrire manuellement, car l’effort impliqué par la production des traits des différentes lettres en permet une meilleure mémorisation, alors que les gestes sommaires et quasiment indifférenciés de l’écriture au clavier ne sont d’aucune aide pour mémoriser les formes des lettres.

Plusieurs types d’écriture manuscrite existent : certains, comme la cursive, impliquent de lier les lettres au sein des mots, d’autres, comme l’écriture script, consistent à aligner des lettres détachées les unes des autres. En contexte québécois, la tradition scolaire veut que le jeune scripteur apprenne à écrire en lettres détachées en première année – forme d’écriture réputée plus facile à produire – pour passer à la cursive – plus fluide – en 2e année. Il lui est donc imposé un double enseignement graphomoteur. Comme l’objectif premier de l’enseignement de la calligraphie est d’automatiser les gestes moteurs pour libérer l’attention du scripteur afin qu’il se consacre aux autres composantes de l’écriture, la pertinence de ralentir cette automatisation par un double enseignement mérite d’être examinée. C’est précisément ce qu’ont fait Morin, Lavoie et Montésinos-Gelet (2012) au cours d’une recherche. Les résultats confirment que ce double enseignement ralentit le développement du scripteur. Par ailleurs, cette recherche indique aussi que le style d’écriture qui semble conduire à une automatisation plus rapide des gestes moteurs est la cursive, adoptée dès la première année. Toutefois, il est fréquemment observé qu’écrire en lettres cursives en première année est un défi pour certains élèves.

De façon générale, le développement moteur, qu’il s’agisse de motricité fine, comme dans l’écriture, ou de motricité globale, montre de très importantes différences entre les individus. Ainsi, dans un groupe de première année, l’hétérogénéité est souvent très grande. Ce qui est facile pour certains s’avère très difficile pour d’autres. C’est pourquoi l’enseignement graphomoteur gagnerait à être différencié. Malheureusement, comme cet enseignement est oublié par les prescriptions ministérielles, les futurs enseignants ne sont pas formés à travailler cette dimension. Ils sont très nombreux à ne pas vraiment s’en préoccuper, et ceux qui s’y consacrent adoptent le plus souvent des pratiques traditionnelles lors desquelles tous les élèves réalisent les mêmes tâches, même si elles sont inutiles pour ceux qui présentent des facilités et trop ardues pour ceux qui éprouvent des difficultés. Former adéquatement les enseignants à soutenir le développement graphomoteur de leurs élèves est un défi qui doit être relevé, mais encore faut-il que cette composante de l’écrit soit intégrée aux prescriptions ministérielles.

 

Références

Graham, S., Harris, K. R., & Santangelo, T. (2015). Research-based writing practices and the Common Core: Meta-analysis and meta-synthesis. The Elementary School Journal, 115(4), 498-522.

Morin, M. F., Lavoie, N., & Montésinos-Gelet, I. (2012). The effects of manuscript, cursive or manuscript/cursive styles on writing development in Grade 2. Language and literacy, 14(1), 110-124.

Velay, J. L., & Longcamp, M. (2012). Handwriting versus typewriting: Behavioural and cerebral consequences in letter recognition. Dans M. Torrance, D. Alarmargot, M. Castelló, F. Ganier, O. Kruse, A. Mangen, L, Tolchinsky, & L. Van Waes (éds), Learning to write effectively: Current trends in European research (pp. 371-373). Bingley, UK: Emerald Publishing.

Crédit photo: racorn / 123RF Banque d'images

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