Qu’est-ce qu’un neuromythe? Un neuromythe est une fausse croyance à propos du fonctionnement du cerveau. Par exemple, croire que nous n’utilisons que 10% de notre cerveau constitue un neuromythe. Récemment, des études effectuées dans plusieurs pays ont révélé la présence de certains neuromythes en éducation, plus précisément chez les enseignants (Dekker et al., 2012). En s’appuyant sur ces études, ce billet propose de démystifier trois neuromythes répandus en éducation et de discuter de l’importance d’adopter une attitude critique par rapport aux diverses sources d’information mises à notre portée.
Trois neuromythes répandus en éducation
Certaines études ont constaté une forte présence de certains neuromythes liés au cerveau et à l’apprentissage chez les enseignants, avec des taux d’adhésion à ces mythes dépassant parfois 90% (voir Tableau 1). Le neuromythe le plus fréquent en éducation serait celui selon lequel les élèves apprendraient mieux lorsqu’ils reçoivent les informations dans leur style d’apprentissage favori, par exemple les styles visuel, auditif ou kinesthésique. Les études effectuées à ce sujet tirent la conclusion que, bien que les élèves puissent avoir des préférences liées à un mode d’apprentissage particulier, le fait d’enseigner en fonction de ces préférences ne favorise pas un meilleur apprentissage (Pashler et al., 2008). Mais attention. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas tenir compte des différences individuelles des élèves dans notre enseignement. Varier les méthodes d’enseignement – pour tous les élèves – est d’ailleurs important. La recherche actuelle nous dit seulement que le temps et l’énergie consacrés à enseigner selon la théorie des styles d’apprentissage seraient mieux investis dans des méthodes qui ont fait leurs preuves. La nuance est primordiale.
Dans cette même optique de catégorisation des élèves, on entend parfois que certains élèves seraient davantage «cerveau droit» et d’autres «cerveau gauche» et que cela pourrait expliquer les différences d’apprentissage entre les individus. Selon cette fausse croyance, les élèves ayant un cerveau gauche dominant performeraient davantage dans les tâches logicomathématiques alors que les élèves «cerveau droit» seraient plus créatifs, et il serait bénéfique d’adapter notre enseignement à cette dominance hémisphérique. Encore une fois, l’hypothèse selon laquelle certains élèves présenteraient une dominance hémisphérique n’est pas appuyée par la recherche. Évidemment, les élèves ont souvent des compétences plus marquées dans certains domaines plutôt que dans d’autres, mais ces différences ne sont pas associées à une dominance hémisphérique gauche ou droite (Nielsen et al., 2013).
Peut-être avez-vous également entendu dire que de courts exercices de coordination, par exemple celui de toucher sa cheville gauche avec sa main droite et vice-versa, favoriseraient notamment l’intégration des fonctions cérébrales des hémisphères gauche et droit. Certaines compagnies commerciales vantent les mérites de leur programme de ce genre soi-disant basé sur le fonctionnement du cerveau. C’est le cas de l’entreprise Brain Gym® International qui affirme même que son programme permettrait d’«améliorer dramatiquement» notamment la concentration, la mémoire, les résultats scolaires et les attitudes. Non seulement ces prétentions ne s’appuient sur aucune recherche empirique de qualité (Hyatt, 2007), mais les hypothèses théoriques sur lesquelles elles reposent ont été invalidées par la recherche il y a longtemps (Spaulding et al., 2010). Il est toutefois essentiel de faire la distinction entre les effets de courts exercices de coordination et ceux de l’activité physique sur l’apprentissage. La recherche a effectivement démontré qu’un effort physique suffisamment soutenu peut améliorer les capacités cognitives et cérébrales des élèves (et, en fait, de tous les êtres humains) (Masson, 2015).
Comment éviter les neuromythes?
Bien entendu, il n’est pas évident de distinguer ce qui relève de la science de ce qui relève de la pseudoscience. Lorsqu’une nouvelle information est diffusée, une attention spéciale doit être portée à la fiabilité des sources d’où elle provient. Malgré nos impressions, les livres et les magazines ne sont pas toujours dignes d’une crédibilité absolue. Les articles scientifiques sont parmi les sources les plus fiables, ayant été révisés par des comités d’experts en la matière.
Néanmoins, même si nos sources sont dignes d’une certaine crédibilité, il est possible de tomber dans le piège de la mésinterprétation. L’être humain aime les explications simples et rapides, mais il court ainsi le risque de tomber dans la simplification excessive des résultats de recherche et d’échapper des nuances essentielles. Il y a d’ailleurs un risque sournois lorsque l’on se met à démystifier les mythes: il est possible de se retrouver à croire au mythe inverse. En effectuant des affirmations trop fermes, on risque de passer à côté des nuances et ainsi de faire des allégations tout aussi dénuées de vérité. L’équilibre est donc à privilégier: tenter de faire l’interprétation la plus exacte possible des avancées de la recherche en neurosciences, quoique, pour les besoins de la cause, il faille les simplifier (Pasquinelli, 2015). Cela vaut également pour les autres domaines: toute étude comporte des limites, d’où l’importance de rester prudent et de prendre le temps d’examiner ce que les résultats permettent et ne permettent pas de conclure. Il s’agit d’un réflexe important à développer en tant que professionnel.
Évidemment, la science reste d’une valeur inestimable pour l’avancement des connaissances. En tant que professionnels de l’éducation, nous cherchons ce qui peut être utile à notre pratique afin de répondre du mieux possible aux besoins diversifiés de nos élèves. Identifier les informations découlant véritablement de la recherche et leur utilité pour notre pratique est un réel défi. Les connaissances sur le cerveau ouvrent la voie à des avenues prometteuses pour l’éducation, mais constituent une approche encore jeune. À ce jour, elles nous offrent davantage des orientations que des méthodes clés en main pour la salle de classe. Il est essentiel de garder cela en tête lorsque l’on est exposé à des «techniques magiques» séduisantes, facilement applicables et garantissant la réussite de nos élèves.
Tableau 1
Neuromythes les plus fréquents chez les enseignants
Tableau adapté de Masson (2015). Les données pour le Royaume-Uni et les Pays-Bas proviennent d’une étude de Dekker et al. (2012), celles pour l'Amérique latine de Gleichgerrcht et al. (2015) et celles pour les autres pays de Howard-Jones (2014).
Références
Dekker, S., Lee, N.C., Howard-Jones, P., & Jolles, J. (2012). Neuromyths in Education: Prevalence and Predictors of Misconceptions among Teachers. Frontiers in Psychology, 3, 429.
Gleichgerrcht, E., Lira Luttges, B., Salvarezza, F., & Campos, A.L. (2015). Educational Neuromyths Among Teachers in Latin America. Mind, Brain, and Education, 9(3), 170-178.
Howard-Jones, P.A. (2014). Neuroscience and education: Myths and messages. Nature Reviews Neuroscience, 15(12), 817-824.
Hyatt, K.J. (2007). Brain Gym®: Building Stronger Brains or Wishful Thinking Remedial and Special Education, 28(2), 117-124.
Masson, S. (2015). Les apports de la neuroéducation à l’enseignement: des neuromythes aux découvertes actuelles. Approche neuropsychologique des apprentissages chez l’enfant, 134, 11-22.
Nielsen, J.A., Zielinski, B.A., Ferguson, M.A., Lainhart, J.E., & Anderson, J.S. (2013). An evaluation of the left-brain vs. right-brain hypothesis with resting state functional connectivity magnetic resonance imaging. PLoS ONE, 8(8), e71275.
Pashler, H., McDaniel, M., Rohrer, D., & Bjork, R. (2008). Learning styles: Concepts and evidence. Psychological Science in the Public Interest, 9(3), 105-119.
Pasquinelli, E. (2015). Mon cerveau, ce héros: mythes et réalité. Paris: Les Éditions Le Pommier.
Spaulding, L.S., Mostert, M.P., & Beam, A.P. (2010). Is Brain Gym® an effective educational intervention? Exceptionality, 18(1), 18-30.
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