En ce début d’année, j’avais envie d’une chronique plus positive que ma dernière, histoire de commencer en douceur. Je vous propose donc le résumé d’une agréable lecture réalisée pendant les fêtes!
Commençons d’abord par une mise en situation. Paul et Émile ont le même âge et sont dans la même classe de première année. Pour les deux garçons, l’apprentissage de la lecture se passe bien. Ils comprennent vite et bénéficient d’un bon soutien de leurs parents à la maison. Le temps passe. Ils se retrouvent rapidement à la fin de leur deuxième année et sont tous deux de très bons lecteurs pour leur âge. Si on les évaluait, on constaterait qu’ils possèdent exactement les mêmes aptitudes en lecture. Par contre, un petit détail, en apparence anodin, les sépare. Émile adore lire. Il lit maintenant pour son propre plaisir et pour apprendre. Paul, lui, lit pour faire plaisir à ses parents, ou parce que l’enseignante le demande. Alors, d’après vous, dans trois ans, qui de Paul ou Émile sera le meilleur lecteur?
Je vous entends tous répondre «Émile», même si peu d’entre vous ont lu l’étude dont je m’apprête à vous parler. Probablement que chacun d’entre nous a été témoin d’une situation dans laquelle la motivation a eu une influence majeure, que ce soit à l’école, au travail ou dans le sport. Mais qu’en est-il du lien entre la motivation et l’apprentissage de la lecture d’un point de vue scientifique. Voici ce qu’en dit une importante étude allemande.
L’évolution de la lecture sur 3 ans
Retelsdorf, Köller et Möller (2011) ont mené une intéressante étude longitudinale avec pas moins de 1500 élèves. Ils ont suivi ces élèves pendant trois ans. Le but était de mesurer le lien entre la motivation et l’apprentissage de la lecture. Le devis longitudinal permettait également de voir si la motivation pouvait prédire une amélioration des capacités en lecture.
Les participants ont été rencontrés trois fois par l’équipe de chercheurs. Lors de la première évaluation, les élèves avaient un âge moyen de 10,9 ans. Ils étaient donc déjà relativement d’habiles lecteurs. Ces jeunes ont été réévalués deux autres fois, à 18 mois d’intervalle entre chaque évaluation. Fait intéressant à noter, les chercheurs ont également contrôlé certaines données importantes comme le statut sociodémographique et les habiletés cognitives.
La conclusion la plus intéressante de l’étude est que la motivation intrinsèque (la motivation à lire par soi-même, pour son plaisir, par opposition à la motivation extrinsèque, ou pour les autres) était un bon indicateur de l’amélioration des aptitudes en lecture. En effet, les résultats ont montré que les enfants qui étaient motivés à lire pour eux-mêmes ont davantage amélioré leurs aptitudes à lire pendant les trois années qu’a duré l’étude.
Comme le soulignent les auteurs, une des limites de l’étude est de ne pas avoir étudié le lien potentiellement bidirectionnel entre la motivation et les aptitudes en lecture. Le premier effet directionnel semble évident: plus un jeune est motivé, plus il lit. Mais l’inverse est probablement aussi vrai: plus il lit, plus il devient motivé (Morgan et Fuchs, 2007). C’est un peu comme une roue qui tourne. Il suffit de la faire tourner, et les deux variables s’influenceront mutuellement.
Et dans la vraie vie?
Ce qu’on peut retenir de cette étude est qu’un enfant qui aime lire ou qui lit pour sa curiosité personnelle a plus de chance de devenir un meilleur lecteur. Voici d’ailleurs un passage qui résume très bien l’explication du lien entre la motivation et la lecture:
Quand un lecteur est motivé, il a un désir de comprendre ce qu’il lit. Ce désir le pousse à utiliser des stratégies de lecture qui le rendent habile au plan métacognitif. Par exemple, il se pose des questions, il effectue un résumé de ce qu’il vient de lire ou il active des connaissances préalables dans le but de créer une meilleure représentation du texte [traduction libre] (Taboada et al., 2009, p. 98).
Il est important de rappeler que c’est la motivation intrinsèque qui prime. Ainsi, si on pousse un jeune à lire parce qu’il doit lire, on n’agit pas positivement sur la motivation intrinsèque. C’est donc un travail à long terme qu’on doit viser. Par de nombreuses expériences positives, l’enfant apprendra que la lecture c’est amusant et que cela permet d’assouvir sa curiosité. L’astuce la plus simple semble donc d’exposer les jeunes à des livres qu’ils jugeront intéressants, et ce, dès leur plus jeune âge. À cet effet, vous pouvez voir quelques conseils dans notre chronique «La lecture en cadeau».
Références
Retelsdorf, J., Köller, O., & Möller, J. (2011). On the effects of motivation on reading performance growth in secondary school. Learning and Instruction, 21(4), 550-559.
Morgan, P. L., & Fuchs, D. (2007). Is There a Bidirectional Relationship between Children's Reading Skills and Reading Motivation Exceptional Children, 73(2), 165-183.
Taboada, A., Tonks, S. M., Wigfield, A., & Guthrie, J. T. (2009). Effects of motivational and
cognitive variables on reading comprehension. Reading and Writing, 22, 85-106.
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