La semaine dernière, je proposais cinq conseils éprouvés pour enrichir les activités de lecture d’histoires auprès des enfants de 3 à 5 ans avant leur apprentissage formel de la lecture et de l’écriture au primaire. Je suggère cinq nouveaux conseils cette semaine.
Conseil 6 : Parlez des lettres de l’alphabet. La connaissance des lettres de l’alphabet est le facteur le plus puissant pour prédire le succès lors de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture au début du primaire (National Early Literacy Panel, 2008; Piasta, Petscher, & Justice, 2012). En fait, selon Cardoso-Martins, Mesquita et Ehri (2011), lorsqu’ils connaissent préalablement le nom des lettres, les enfants apprennent plus facilement les correspondances entre les sons de la langue qu’on utilise pour parler et les lettres avec lesquelles on écrit les mots, ce qui constitue un apprentissage essentiel pour la réussite en lecture et en écriture. La page couverture des albums jeunesse offre une occasion unique de parler des lettres de l’alphabet, car celles-ci sont souvent présentées en gros caractères. Commencez par parler des lettres du prénom des enfants, car ce sont les lettres les plus faciles à apprendre pour eux (Justice, Pence, Bowles, & Wiggins, 2006). Nommez les lettres souvent, car les enfants apprennent plus facilement à écrire les lettres dont ils connaissent le nom (Puranik, Petscher, & Lonigan, 2013), et profitez-en pour montrer comment elles s’écrivent. Pour ce faire, choisissez une lettre sur la page couverture et tracez-la avec votre doigt tout en expliquant comment vous vous y prenez. Demandez aux enfants de faire la même chose avec leur doigt sur la lettre du livre, puis de l’écrire ensuite de mémoire dans les airs.
Conseil 7 : Attirez l’attention des enfants sur les syllabes et les sons dans les mots de l’histoire. L’habileté à percevoir et à manipuler les syllabes et les sons facilite grandement l’apprentissage de la lecture et de l’écriture au début du primaire (Wagner & Torgesen, 1987). En ce qui concerne les syllabes, amusez-vous à les compter dans certains mots de l’histoire en tapant des mains, amusez-vous à trouver une syllabe précise en écoutant les mots tout au long de l’histoire, dites les syllabes d’un mot individuellement et amusez-vous à les coller ensemble pour former le mot. En ce qui concerne les sons, attirez l’attention des enfants sur la fin des mots de l’histoire et amusez-vous à trouver les mots qui riment, c’est-à-dire ceux qui finissent par le ou les mêmes sons. Vous pouvez ensuite faire porter l’attention des enfants sur les sons par lesquels les mots commencent et trouver ceux qui débutent par le même son. Vous pouvez aussi chercher tous les mots de l’histoire qui commencent par un son que vous avez choisi avec les enfants. Pour ceux qui fréquentent la maternelle, vous pouvez même jouer à ne dire que le premier son des mots, à dire les sons des mots individuellement puis à les coller ensemble pour former le mot. Le contexte de lecture d’histoires se prête parfaitement à ce genre d’activité (Ukrainetz, Cooney, Dyer, Kysar, & Harris, 2000).
Conseil 8 : Lisez la même histoire plus d’une fois. Plusieurs études ont démontré l’importance de la lecture répétée d’une même histoire pour le développement du vocabulaire des enfants (notamment Sénéchal, 1997; Penno, Wilkinson, & Moore, 2002). En effet, pour que la grande majorité des enfants apprennent le vocabulaire des livres, ils doivent l’entendre plus d’une fois. Pour éviter que cela soit trop routinier, vous pouvez progressivement laisser plus de place aux enfants en lisant le même album de différentes façons (Lefebvre, Trudeau, & Sutton, 2011). Commencez par lire l’histoire une première fois en évitant de poser des questions aux enfants. Ensuite, amusez-vous à relire le même livre en vous trompant en racontant l’histoire; les enfants réagiront et auront du plaisir à vous prendre en défaut. Lorsque vous sentez que les enfants connaissent bien l’histoire, vous pouvez leur poser des questions, puis progressivement les inviter à raconter l’histoire eux-mêmes avec votre aide.
Conseil 9 : Laissez les enfants parler avec vous pendant l’activité de lecture. L’interaction verbale permet aux enfants d’être actifs pendant la lecture d’histoires et c’est lors de ces échanges que s’effectuent les apprentissages en matière de langage et d’éveil à l’écrit (Justice & Kaderavek, 2002). Ainsi, faites des pauses pour permettre aux enfants de faire des commentaires ou de poser des questions. Laissez-leur la chance de faire semblant de vous lire l’histoire, surtout lorsqu’ils la connaissent très bien. Lorsque vous leur posez des questions, n’hésitez pas à les formuler avec les mots interrogatifs « pourquoi » et « comment » : « Pourquoi penses-tu que… ? »; « Comment penses-tu que… ? » Les questions de ce genre amènent à parler d’évènements hypothétiques, ce qui enrichit la compréhension des histoires (van Kleeck, 2008).
Conseil 10 : Lisez des histoires tous les jours. Selon Sénéchal (2006), la lecture d’histoires à la maison pendant laquelle les parents enseignent des concepts à leurs enfants a des effets mesurables jusqu’en 4e année du primaire. En d’autres mots, plus les enfants sont exposés à ce genre d’expérience, meilleurs sont leurs résultats en littératie. À la lumière de ce constat, il est donc recommandé de lire des histoires avec les enfants et de profiter de ces moments pour montrer des connaissances et des habiletés qui prédisent le succès en lecture et en écriture, et ce, le plus souvent possible. En en faisant une activité intégrée à la routine quotidienne, vous vous assurez que les enfants obtiennent la dose suffisante de lecture d’histoires pour réussir en lecture et en écriture.
Références
Cardoso-Martins, C., Mesquita, T. C. L., & Ehri, L. (2011). Letter names and phonological awareness help children to learn letter–sound relations. Journal of Experimental Child Psychology, 109(1), 25-38. doi:10.1016/j.jecp.2010.12.006
Justice, L. M., & Kaderavek, J. (2002). Using shared storybook reading to promote emergent literacy. Teaching Exceptional Children, 34(4), 8-13. Repéré à : http://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/004005990203400401
Justice, L. M., Pence, K., Bowles, R. B., & Wiggins, A. (2006). An investigation of four hypotheses concerning the order by which 4-year-old children learn the alphabet letters. Early Childhood Research Quarterly, 21(3), 374-389. doi: 10.1016/j.ecresq.2006.07.010
Lefebvre, P., Trudeau, N., & Sutton, A. (2011). Enhancing vocabulary, print awareness and phonological awareness through shared storybook reading with low-income preschoolers. Journal of Early Childhood Literacy, 11(4), 453-479. doi:10.1177/1468798411416581
National Early Literacy Panel (2008). Developing Early Literacy: Report of the National Early Literacy Panel. A Scientific Synthesis of Early Literacy Development and Implications for Intervention. Jessup, MD: National Institute for Literacy. .Repéré à https://lincs.ed.gov/publications/pdf/NELPReport09.pdf
Piasta, S. B., Petscher, Y., & Justice, L. M. (2012). How many letters should preschoolers in public programs know? The diagnostic efficiency of various preschool letter-naming benchmarks for predicting first-grade literacy achievement. Journal of Educational Psychology, 104(4), 945-958. doi:10.1037/a0027757
Puranik, C. S., Petscher, Y., & Lonigan, C. J. (2013). Dimensionality and reliability of letter writing in 3-to 5-year-old preschool children. Learning and individual differences, 28, 133-141. doi:10.1016/j.lindif.2012.06.011
Sénéchal, M. (1997). The differential effect of storybook reading on preschoolers’ acquisition of expressive and receptive vocabulary. Journal of Child language, 24(1), 123-138. doi:10.1017/S0305000996003005
Sénéchal, M. (2006). Testing the home literacy model: Parent involvement in kindergarten is differentially related to grade 4 reading comprehension, fluency, spelling, and reading for pleasure. Scientific Studies of Reading, 10(1), 59-87. doi:10.1207/s1532799xssr1001_4
Ukrainetz, T. A., Cooney, M. H., Dyer, S. K., Kysar, A. J., Harris, T. J. (2000). An investigation into teaching phonemic awareness through shared reading and writing. Early Childhood Research Quarterly 15(3), 331–355. doi:10.1016/S0885-2006(00)00070-3
Van Kleeck, A. (2008). Providing preschool foundations for later reading comprehension: The importance of and ideas for targeting inferencing in storybook-sharing interventions. Psychology in the Schools, 45(7), 627-643. doi:10.1002/pits.20314
Wagner, R. K., & Torgesen, J. K. (1987). The nature of phonological processing and its causal role in the acquisition of reading skills. Psychological bulletin, 101(2), 192-212. doi: 10.1037/0033-2909.101.2.192
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