L’anxiété de performance chez les enfants

30/11/2016 10:02:59

Partager ce contenu

 

Qu’est-ce que l’anxiété de performance?

L’anxiété de performance peut être définie comme étant la peur de l’échec ou de faire des erreurs en situation de performance. Elle peut se manifester dans plusieurs situations et l’école y est souvent un endroit propice, notamment lors de situations d’évaluation ou d’activités minutées. Les situations de performance qui ne sont pas notées peuvent aussi engendrer de l’anxiété de performance, comme les travaux individuels, la compréhension de texte, la résolution de problèmes mathématiques, les compositions écrites, la calligraphie et les fameuses dictées! L’anxiété de performance peut aussi être présente, voire même augmentée, en contexte social, par exemple lorsque l’enfant doit faire une présentation orale, répondre ou poser une question en classe, effectuer des travaux d’équipe ou encore lorsqu’il doit faire une performance artistique ou sportive.

 

L’anxiété de performance est-elle normale?

L’anxiété de performance se place sur un continuum d’intensité, donc elle n’est pas toujours néfaste ou anormale. En effet, un certain degré d’anxiété peut être bénéfique et permettre à l’enfant d’améliorer sa performance, notamment en lui permettant de se mobiliser efficacement afin de bien se préparer à la situation de performance. Aussi, pendant celle-ci, un certain degré d’anxiété peut lui permettre de mieux performer en étant, par exemple, plus concentré, en relisant les questions deux fois pour s’assurer de sa compréhension et en relisant ses réponses pour se corriger, au besoin. Ainsi, un certain degré d’anxiété de performance peut aider l’enfant à utiliser certaines méthodes de travail efficaces, à condition bien sûr, que celles-ci soient déjà relativement bien maitrisées.

L’anxiété de performance peut certes devenir néfaste et plusieurs critères permettent de départager l’anxiété normale de l’anxiété excessive. Ainsi, l’anxiété de performance devient excessive lorsqu’elle est intense ou lorsqu’elle est significativement plus importante que chez d’autres enfants du même âge dans la même situation (p. ex., plusieurs craignent les présentations orales et les spectacles). Elle devient également excessive lorsqu’elle entraine une détresse psychologique significative ou lorsqu’elle entrave le fonctionnement quotidien de l’enfant, par exemple lorsqu’il est souvent triste ou irritable en raison de l’anxiété de performance ou lorsque celle-ci nuit à ses performances académiques, à son sommeil, à sa vie sociale et à son estime de lui-même. Malheureusement, lorsque l’anxiété de performance est excessive, il arrive que l’enfant accorde une place trop grande à l’école et limite ses autres activités, ce qui peut nuire à certains aspects de son développement, à son bonheur et à sa qualité de vie. Notons que l’anxiété de performance peut être transitoire et les débuts d’année scolaire sont souvent difficiles parce que les capacités d’adaptation des enfants sont déjà mises à l’épreuve (p. ex., nouveau professeur, nouvelle classe, nouvelles règles, etc.) et que les situations de performance et d’évaluation redeviennent plus fréquentes. Ainsi, l’enfant doit, en quelque sorte, s’y réhabituer. Par contre, lorsque l’anxiété de performance perdure dans le temps, il devient alors impératif de s’en occuper.

 

Comment se manifeste l’anxiété de performance?

Il existe trois composantes associées à l’anxiété, soit les pensées, les sensations physiques et les comportements. Ainsi, l’enfant qui se retrouve en situation de performance, ou en anticipation de celle-ci la veille ou quelques jours avant, a des pensées négatives qui ne représentent pas la réalité et qui surestiment le plus souvent la probabilité de l’évènement anticipé. Voici quelques exemples de pensées souvent rencontrées chez les enfants souffrant d’anxiété de performance : je suis « poche »; je ne suis pas capable; je vais échouer; si j’échoue à mon examen, je vais échouer mon année; je ne comprends rien; je n’aurai jamais le temps de terminer; je n’aurai pas une bonne note; je n’ai jamais de bonnes notes. Notons que ces pensées peuvent parfois être difficiles à identifier pour l’enfant en raison de leur caractère automatique. S’il manifeste des difficultés d’apprentissage, certaines de ces pensées peuvent lui sembler malheureusement bien réelles… Par contre, ces pensées peuvent toujours être nuancées.

En situation de performance ou en anticipation de celle-ci, l’enfant peut également manifester des sensations physiques associées à l’anxiété, comme des maux de ventre ou de cœur, des maux de tête, des difficultés à respirer, des rougeurs, les mains moites et des tremblements. Les sensations physiques ne sont pas toujours manifestes pour l’entourage et elles débutent souvent à la suite d’une pensée négative.

Enfin, l’enfant peut aussi manifester certains comportements qui ont pour but de faire diminuer rapidement l’anxiété ou d’autres émotions négatives qui y sont associées (p. ex., tristesse, culpabilité, colère, sentiment d’être inadéquat). Il s’agit de comportements d’évitement ou de réassurance (rassurance excessive) et ceux-ci peuvent prendre plusieurs formes : effacer et recommencer plusieurs fois, vérifier à outrance, avoir des difficultés à initier une tâche, faire une tâche beaucoup trop lentement, pleurer ou se fâcher face à une situation de performance, éviter d’en parler, poser plusieurs questions à propos d’une performance pour tenter de se rassurer, etc. Malheureusement, à plus long terme, ces comportements contribuent à maintenir, voire même à exacerber l’anxiété de performance, entre autres parce qu’ils ne permettent pas à l’enfant de développer des stratégies de gestion de l’anxiété efficaces. Ils peuvent également contribuer à diminuer la performance, car à trop vérifier, l’enfant peut en venir à douter de ses réponses et ajouter des erreurs…

 

Comment intervenir?

Il existe plusieurs pistes d’intervention pour aider les enfants qui souffrent d’anxiété de performance. Il s’agit notamment de travailler sur les trois composantes associées à l’anxiété puisqu’elles s’influencent. Ainsi, des méthodes de respiration diaphragmatique peuvent être enseignées à l’enfant afin de diminuer quelque peu le degré d’anxiété et l’aider à mieux gérer ses sensations physiques. Par ailleurs, on peut aider l’enfant à identifier ses pensées anxieuses et à les questionner : comment ça se passe d’habitude? Est-ce que c’est vrai que tu n’as jamais de bonnes notes? Qu’est-ce qui a le plus de chances de se passer, que tu échoues ou que tu n’échoues pas à ton examen? Est-ce que c’est vrai que tout le monde va rire de toi? Ensuite, il s’agit d’aider l’enfant à développer des pensées plus aidantes et à dédramatiser la gravité de faire des erreurs : est-ce qu’il y a des choses plus graves que faire des erreurs? Est-ce normal de faire des erreurs? Voici un exemple d’une pensée aidante qui peut être développée : j’ai bien étudié, d’habitude j’ai de bonnes notes, il y a donc peu de chances que j’échoue à mon examen. Si j’échoue, je pourrai me reprendre. Enfin, il faut travailler à diminuer les comportements d’évitement et de réassurance le plus graduellement possible, et ce, en s’attaquant à un ou deux comportements à la fois, pas plus.

Les parents doivent certainement être des alliés lorsqu’on met en place des stratégies afin de diminuer l’anxiété de performance, et ce, surtout dans la période des leçons et devoirs qui peut être difficile. En plus d’appliquer les stratégies mentionnées ci-dessus, les parents peuvent prévoir des routines avec leurs enfants afin que ceux-ci évitent les « excuses » pour ne pas faire leurs leçons et devoirs (p. ex., pleurs, crises de colère, perte de leurs articles scolaires, etc.). Ils peuvent aussi leur permettre d’arrêter d’étudier lorsque la matière est relativement bien maitrisée ou d’arrêter de pratiquer lorsque la performance est relativement acquise. Ils peuvent de plus ajuster leurs attentes en fonction des forces et des défis propres à l’enfant, ce qui permet à l’enfant de le faire aussi! Les parents peuvent également renforcer les efforts et la persévérance au lieu de la performance comme telle. D’autres interventions, moins spécifiques, mais tout aussi importantes, peuvent aider l’enfant qui souffre d’anxiété de performance :

  • Lui permettre de s’accorder des moments de détente et de plaisir, de voir des amis la fin de semaine;
  • Accorder à l’enfant une journée de pause de leçons et devoirs la fin de semaine;
  • Bouger! C’est connu, le sport en tant que loisir diminue l’anxiété et améliore l’estime de soi;
  • Valoriser l’enfant autrement que par l’école;
  • Permettre à l’enfant de pratiquer des activités qui engendrent moins d’anxiété de performance, par exemple lire pour soi, bricoler à son rythme, colorier, jouer au parc, jouer à des jeux de société coopératifs, etc.

Toutefois, il arrive que l’enfant qui souffre d’anxiété de performance ait besoin d’une aide extérieure, car ces bons conseils ne sont pas nécessairement faciles à appliquer même avec toutes les bonnes intentions du monde, et ce, surtout lorsque l’enfant présente une anxiété de performance excessive. Les psychologues sont très bien formés pour traiter efficacement l’anxiété de performance et les difficultés associées chez les enfants. L’approche cognitive et comportementale est à privilégier, car elle permet de travailler les trois composantes de l’anxiété avec l’enfant. L’application de ces stratégies à l’école sera probablement essentielle, donc les intervenants scolaires pourraient être impliqués. Le psychologue va aussi s’attarder aux variables parentales qui contribuent à maintenir ou à exacerber l’anxiété de performance chez l’enfant, par exemple les attentes élevées, le perfectionnisme, le renforcement des comportements d’évitement, la réassurance, le contrôle excessif, etc. Il ne faut surtout pas hésiter à consulter, car l’anxiété excessive chez l’enfant a tendance à s’aggraver et à se chroniciser dans le temps, lorsque non traitée.

 

Références

Affrunti, N. W., & Woodruff-Borden, J. (2015). Parental Perfectionism and Overcontrol: Examining Mechanisms in the Development of Child Anxiety. Journal of Abnormal Child Psychology, 43(3), 517-529.

Couture, N., & Marcotte, G. (2014). Extraordinaire Moi calme son anxiété de performance. Québec : Les Éditions Midi trente.

Couture, N., & Marcotte, G. (2011). Incroyable Moi maîtrise son anxiété. Québec : Les Éditions Midi trente.

Gagné, N. (2010). Maman j’ai peur, chéri je m’inquiète. L’anxiété chez les enfants, les adolescents et les adultes. Québec : Les Éditions La Presse.

James, A. C., James, G., Cowdrey, F. A., Soler, A., & Choke, A. (2015). Cognitive behavioural therapy for anxiety disorders in children and adolescents. Cochrane Database of Systematic Reviews, 2, 1-115.

Rapee, R. M., Wignall, A., Spence, S. H., Cobham, V., & Lyneham, H. (2008). Helping your anxious child: A Step-by-Step Guide for Parents (2e éd.). Oakland, CA: New Harbinger Publications, Inc.

Rapee, R. M., Wignall, A., Hudson, J. L., & Schniering, C. A. (2000). Treating Anxious Children and Adolescents: An Evidence-Based Approach. Oakland, CA: New Harbinger Publications, Inc.

Vasey, M. W., & Dadds, M. R. (Éds). (2001). The developmental psychopathology of anxiety. New York: Oxford University Press.

 

Droit d'auteur: sifotography / 123RF Banque d'images

Partager ce contenu